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Questions pédagogiques

Aujourd’hui, tout le monde est conscient de la dégradation et du recul de système éducatif au Maroc. Quelles en sont les causes et comment peut on y remédier?

Lutter contre le bavardage en classe ...

Le problème du professeur débutant, c’est la gestion de l’ambiance de classe. Par ambiance, il faut bien sur comprendre bavardages, mais de dire j’essaie de gèrer au mieux l’ambiance de ma classe c’est toujours mieux que d’avouer qu’on essaie, avec difficulté de rétablir l’ordre dans un chaos bien organisé. En tout cas, sur le tas, on apprend, mais je cherche encore la recette miracle...

Une fois qu’on a tout testé pour faire cesser les bavardages, on se demande par quel miracle on va bien y arriver. Une recherche sur Google plus tard, et quelques heures de lectures absorbées, on se dit que c’est un bien vaste sujet que la gestion du bavardage en classe.

Google ne se trompant jamais, le premier lien sur la recherche "bavardage en classe" fut le bon, et j’ai déniché [1], La communication en classe : onze Dilemmes de Philippe Perrenoud. [2]

La communication en classe :onze Dilemmes

Extrait d’une publication de Philippe Perrenoud, [sources consultables en ligne

Premier dilemme :
Comment contrôler la prise de parole sans stériliser les échanges, tuer la spontanéité, le plaisir ?

Second dilemme :
Comment ménager une certaine équité sans blesser les uns et faire violence aux autres, sans interférer avec les règles du jeu social ?

Troisième dilemme :
Comment respecter les formes de la communication et de la langue sans réduire les élèves au silence ou aux banalités prudentes ?

Quatrième dilemme :
Comment valoriser l’expression ouverte et honnête des idées et des sentiments sans dénier aux élèves le droit d’être des acteurs, donc parfois de dissimuler et d’enjoliver ?

Cinquième dilemme :
Comment faire entrer la vie dans l’école sans attenter à la sphère intime des élèves et des familles ? Comment traiter l’élève comme une personne et l’impliquer dans des activités qui ont du sens pour lui sans l’exposer ?

Sixième dilemme :
Comment ne pas aseptiser la communication, la vider de toute référence à la vie et à ses contradictions, aux conflits sociaux, sans mettre les élèves et les enseignants en danger ?

Septième dilemme :
Comment ne pas euphémiser la part du pouvoir dans la communication sans mettre en cause l’autorité du maître ? Comment donner des outils d’analyse et de négociation sans en être la première cible ?

Huitième dilemme :
Comment impliquer les élèves dans le projet principal sans les priver du droit de bavarder ? Comment trouver l’équilibre entre le contrôle tatillon des propos et l’explosion des conversations particulières ?

Neuvième dilemme :
Comment faire une place aux représentations des apprenants sans mettre en circulation des théories fausses et leur donner crédit ? Comment autoriser chacun à dire ce qu’il croit sans tomber dans le relativisme ou l’obscurantisme ? Comment travailler avec l’erreur sans la légitimer ?

Dixième dilemme :
Comment laisser un espace à la construction interactive des savoirs sans que la conversation aille " dans tous les sens " ? Comment ne pas canaliser complètement la communication didactique sans perdre pour autant tout fil conducteur ?

Onzième dilemme :
Comment faire une place à la métacommunication et à la recherche de sens sans déstabiliser le groupe-classe et se trouver en porte-à-faux par rapport aux attentes de l’institution ?

Voilà, tout y est ! L’auteur de la publication a fait un sacré boulot d’analyse et de synthèse, et c’est un vrai régal de lire son argumentation.

Maintenant il ne reste plus qu’à trouver la solution ... C’est très simple, il y a onze enigme à résoudre ...

Tentatives infructueuses pour stopper le bavardage

J’ai presque tout essayé... Depuis là rentrée, il y a du mieux, c’est incontestable, mais ce n’est pas encore ça ... Du moins je psychose beaucoup sur le bavardage, je trouve que cela bavarde, est-ce vrai ou s’agit-il d’une invention de mon esprit ?

Début septembre, j’ai testé la technique de la réprimande orale, au début, ça marche, et si ça marche c’est parce que les élèves ne savent pas de quoi l’enseignant est capable lorsque les réprimandes se succèdent.
Puis, dès qu’ils se rendent compte qu’en cas de multiples réprimandes successives il ne se passe rien, qu’il n’y a pas de sanction plus dure, ils ont un peu tendance à se lâcher ... Après tout, une réprimande de plus ou de moins, ce n’est pas la mort !!!

Fin septembre, un peu débordé et pris de cours, j’ai testé « les croix dans le cahier », et là ils ont bien ris. Ils ont du pensé que je ne savais pas ce que je faisais, quand au bout de quinze jours j’ai débarqué tout joyeux, avec mon cahier et je leur ai expliqué que dorénavant, j’allais mettre des croix quand ils parleraient.
Ils étaient légèrement mort de rire, et j’ai fait ça deux séances, puis j’ai arrêté, ce n’était pas du tout efficace, car quand je mettais "une croix", ça râlait, ça protestait, et donc finalement cela perturbait d’avantage la classe !
Et puis je fais quoi quand j’ai trois croix ? Un solitaire ?

Début octobre, ce fut la panique à bord, je ne gérais plus grand chose et je négociais alors avec le professeur principal la réalisation d’un plan de classe, pas super efficace, mais ça permet de séparer les leaders. Enfin, le plan de c’est comme toutes les méthodes quand ça dérape, il faut être ferme, sinon les dérapages se multiplient. Et comme je n’ai pas une tête qui impose le respect ...

Ne voulant pas crier, en ayant un peu marre de faire la police, j’ai récupéré fin octobre la demi heure de vie de classe, et j’ai proposé à mes élèves de les responsabiliser : Auto-régulation et auto-discipline furent alors les maîtres mots du débat, et après avoir posé les bases de ce système de régulation, on a testé, et ce ne fut pas trop concluant, du moins pas assez à mon goût...

A ce moment là, j’ai décidé de pondre les règles de vie en classe, et là le problème c’est que les élèves qui ne posaient pas de problème en classe sans les règles de vie, les appliquèrent sans aucun problème, tandis que les autres, ceux pour lesquels j’ai fait les règles, ils se foutent un peu. Donc il va falloir sévir très bientôt.

Le problème, c’est qu’il faut établir des règles, ET en même temps une échelle de sanction en cas de non respect, il faut que le faire de manière très claire, et bien s’y tenir pour ne pas "paraître injuste".

J’ai déjà posé les règles de vie en classe, il me reste donc à établir une échelle de sanction adaptée.

Bien sûr, la meilleur méthode pour ne pas avoir de bavardages dans sa classe, c’est assurément d’être un très bon enseignant, et là les élèves te respectent naturellement, "faire autorité et non pas imposer l’autorité". Mais alors, comment être un bon enseignant ? Vaste débat ! Et encore plus dur, comment être un bon enseignant quand on débute ?

 

Notes :

[1] enfin google l’a fait pour moi

[2] Faculté de psychologie et de sciences de l’éducation Université de Genève 1994

http://www.cent20.net/spip.php?article63

L'aider à accepter ses complexes

Un nez allongé, des pieds trop grands, une poitrine trop petite... La liste des complexes est longue. Pourtant, il existe des astuces pour que votre adolescent renoue enfin avec son corps mal aimé.

"J'ai le complexe du corn flakes" chante Mathieu Chédid dans son album "Je dis aime". Eh oui, mieux vaut en rire qu'en pleurer. Les complexes perturbent la vie de bien des adolescents. Pourtant, avec un peu d'imagination, on peut passer outre et même réussir à les assumer.

D'où viennent les complexes ?

le jeune se concentre sur ses défauts.
Dans les magazines, à la télévision ou même au cinéma, rien à dire, les stars sont toujours parfaites. Le chanteur de Tokio Hotel n'a pas d'acné, quant aux héros de High Scool Musical, non seulement ils sont beaux mais en plus ils savent chanter et danser. Alors c'est sûr, lorsque votre ado se regarde dans la glace et se compare à ces stars, il y a comme un léger décalage.

D'autant qu'à l'adolescence, le corps a la mauvaise idée de développer certaines de ses parties plus vite que d'autres. Dans ces conditions, il est parfois difficile d'assumer ce nouveau physique en pleine transformation.

En cause, l'influence des médias
Confronté aux images parfaites véhiculées par les médias, le jeune se concentre sur ses défauts et en fait une fixation. C'est ce qu'on appelle des complexes. S'ensuit alors des tentatives de camouflage en tout genre pour cacher le problème en question.

Les complexes peuvent aussi venir des modèles de perfection imposés par la famille alors que l'ado n'était encore qu'un enfant. Ils peuvent également trouver leur source dans des réflexions d'adulte déplacées ou dans des surnoms dévalorisants donnés par des camarades de classe.

Différents complexes

On connaît bien sûr les complexes physiques. Pourtant, il en existe d'autres qui peuvent faire tout autant souffrir.

Complexes sociaux

L'individu ressent un sentiment d'infériorité par rapport à sa situation professionnelle ou sociale. Cela peut se traduire par des phrases telles que : "Je ne réussirai pas à faire ceci" ou encore : "Je suis trop petite pour faire cela".

Complexes psychiques
Les adolescents, comme les adultes, peuvent se sentir dévalorisés au niveau culturel ou intellectuel. Humour, vivacité d'esprit, connaissances, deviennent alors sources de complexes. Surtout lorsqu'on se retrouve face à des personnes venant d'un autre milieu social.

Les complexes, l'expression d'une timidité
De manière générale, les complexes, qu'ils soient physiques, psychiques ou sociaux, sont surtout l'expression d'une timidité et d'un sentiment d'infériorité. Il est plus facile de dire : "Je ne suis pas arrivé à faire cela à cause de mon nez" que d'assumer le problème réel. Essayez de réétudier la difficulté rencontrée, de façon objective avec votre enfant. Amenez-le à trouver les vraies raisons de son échec.

C'est surtout la peur de l'exclusion qui pousse l'adolescent à vouloir à tout prix "rentrer dans la norme". Pour masquer ses complexes et ses faiblesses, l'ado décide souvent d'appartenir à un groupe. En suivant la mode, il se fond dans la masse et est ainsi accepté par les autres.

Les complexes viennent donc d'une peur de ne pas être aimé. Pas étonnant que lorsque votre ado tombe amoureux, ses complexes s'évanouissent. Il est enfin aimé pour ce qu'il est. Et ses tâches de rousseurs dont il avait honte, ont fait toute la différence pour conquérir le cœur de son amie. Ce n'était pas la peine de complexer !

Cinq idées pour aider les ados

Pour aider un adolescent, rien de tel que la parole. Si vous manquez d'arguments devant votre ado qui passe plus de temps à s'observer sous toutes les coutures qu'à travailler, voici quelques conseils.

1) S'accepter tel que l'on est
Même certains mannequins avouent être complexés par leur physique. Ce n'est pas pour autant que ces femmes se cachent lors d'un défilé. Leur solution : assumer leur corps. Pour un ado, cela peut sembler mission impossible. Pour dédramatiser la situation, faites un tour de table auprès de ses proches. Cousin Bertrand a honte de son nez alors que tout le monde le trouve tout à faire normal. C'est pareil pour votre ado. Personne n'a peut-être remarqué son complexe. Alors pourquoi le cacher ?

2) Faire d'un défaut un atout majeur
Votre fille déteste subitement son front ? Direction le coiffeur. Une coupe de cheveux, ça fait du bien à la chevelure et surtout au moral. En plus, cela permet de cacher un petit défaut. Le visage s'en trouve mis en valeur. Si vous manquez d'idées pour aider votre ado, sachez que de nombreux stages ou ateliers relooking existent. Des vêtements adaptés, un soupçon de maquillage et le tour est joué ! Voilà de quoi redonner confiance à votre fille.

3) S'entourer des bons amis
s'entourer de bons amis est important.
Certains ados préfèrent appartenir à un groupe qui ne leur correspond pas plutôt que d'être seuls. Oui mais voilà, ils ne sont pas toujours très bien entourés. C'est le cas de votre enfant et ses amis lui reprochent son embonpoint... Essayez d'en parler avec lui et de lui ouvrir les yeux. Expliquez-lui que les vrais amis sont ceux qui vous apprécient pour ce que vous êtes et non pour ce que vous paraissez.

4) Retrouver la confiance en soi
Un ado complexé manque souvent de confiance en lui. Pour l'aider, inscrivez-le à un cours de théâtre. Monter sur les planches lui permettra de sortir de sa réserve. Cela le valorisa et l'aidera à accepter son corps. Il pourra aussi nouer d'autres amitiés. De nombreux collèges proposent des ateliers théâtre, conseillez-lui d'essayer. Et qui sait, cela fera peut-être naître des talents ?

5) Aller de l'avant
Votre ado est tout le temps avachi et se trouve nul ? Valorisez-le. Demandez-lui de repérer ses points forts et encouragez-le. Puis, dites-lui d'aller à la rencontre des autres. Inutile de rester prostré à la maison. Incitez-le à bouger, à rencontrer de nouveaux jeunes. Avec un joli sourire et un peu d'humour, il arrivera à se tisser de nouvelles amitiés, qui lui feront prendre conscience de sa valeur.

Responsabiliser les parents

Pour éviter à leur enfant d'être complexé, les parents doivent observer quelques règles de bon sens.

Tout d'abord, acceptez votre bambin tel qu'il est et non tel que vous voudriez qu'il soit. Très tôt, encouragez-le dans ce qu'il entreprend. Valorisez-le et montrez-lui que vous lui faites confiance. Cela peut paraître beaucoup mais en étant aimé et soutenu, votre enfant se sentira bien dans sa peau. Du coup, pas de complexes en vue pour l'adolescence !

Evitez les remarques désobligeantes. Les enfants enregistrent tout et pourraient mal interpréter, ce qui pour vous n'était qu'une plaisanterie. Méfiance, donc.

Enfin, inscrivez-le à un sport. D'une part, cela lui permettra d'avoir un autre cercle d'amis que l'école, d'autre part, cela lui permettra de s'affirmer dans une discipline et donc d'avoir conscience de sa valeur. Ne manquez pas une compétition et sachez réconforter votre ado s'il perd.

Parents, montrez l'exemple !
Devant une mère complexée par son corps et qui se dévalorise, pas facile pour l'adolescent de se sentir bien dans sa peau. Apprenez à vous aimez vous-même. Et si vous ne parvenez pas à vous débarrasser de vos complexes, faites en sorte que votre enfant ne vous entende pas vous dévaloriser.

Pour un adolescent, aimer son corps est loin d'être évident. Tout est trop quelque chose : trop petit, trop grand...
Des solutions existent pourtant pour atténuer ce mal-être. Des cours de théâtre, du sport... viendront à bout de ses complexes. Le but : lui redonner confiance, le valoriser et le sortir de son isolement.
Une séance de relooking, une nouvelle coupe de cheveux ou quelques conseils en maquillage peuvent également aider votre ado à se sentir mieux dans sa peau.
Quoi qu'il en soit, les parents se doivent d'être patients, compréhensifs et soutenir leur enfant dans cette crise qu'est l'adolescence.

Réalisé par Caroline Rabourdin, Journal des Femmes

 

 

 

 

La mixité sociale une chance pour les élèves

Parents

La mixité sociale à l’école reste un principe fort et consensuel en France. Mais sa mise en œuvre se heurte aux résistances des familles.

Rassembler toute une classe d’âge, sans distinction, pour apprendre et vivre ensemble, cela peut paraître une évidence dans un système éducatif financé par des fonds publics. L’école, en particulier au stade de la scolarité obligatoire, n’a-t-elle pas le devoir de doter tous les enfants d’une éducation commune leur permettant de s’intégrer dans la vie et de s’y côtoyer sans heurt ? La mixité sociale est alors une exigence et un principe peu contestable (1). Pour cela, le système doit offrir à tous des conditions d’accueil et d’apprentissage de qualité égale. Or, quand les publics scolaires sont clivés – les plus favorisés d’un côté, ceux qui le sont moins de l’autre –, ce que le système offre aux élèves est souvent de qualité inégale : parce qu’il y a des communes riches ou pauvres certes, mais aussi parce que les enseignants ne sont pas répartis au hasard, les plus expérimentés recherchant les publics qui leur semblent poser le moins de problèmes. Les élèves eux-mêmes sont effectivement plus ou moins préparés à ce qu’exige l’école et le climat scolaire s’en ressent : il est plus facile d’enseigner et d’apprendre dans les établissements « chics » que dans les établissements au public populaire (2). Et l’absence de mixité sociale – la ségrégation sociale – va de pair avec une hiérarchisation des niveaux scolaires.

La ségrégation affecte l’efficacité pédagogique elle-même. En effet, regrouper les élèves les plus faibles – « pour leur bien », dit-on parfois, mais aussi par le jeu des options ou tout simplement du quartier – fabrique des classes où les chances d’apprendre sont systématiquement plus faibles : les enseignants y adaptent leurs ambitions et leurs méthodes au niveau de leurs élèves et les élèves eux-mêmes développent – ils savent bien qu’ils sont faibles – des attitudes et des comportements peu favorables au travail. Cette dynamique négative à l’œuvre dans les classes ségréguées socialement et scolairement « par le bas » s’inverse dans les classes tout aussi ségréguées où se regroupent les élèves les plus favorisées. Ces derniers y « gagnent » donc – meilleure couverture des programmes, climat plus propice au travail, acquisitions plus assurées… Mais ce que gagnent les plus favorisés à une ségrégation « par le haut » est bien plus modeste que ce que perdent les moins favorisés à une ségrégation par le bas et si les meilleurs élèves vont donc apprendre un petit peu moins dans des classes hétérogènes, les plus faibles vont, quant à eux, apprendre bien plus (3).

Au-delà de ces effets sur les performances, qui restent globalement modestes, la mixité sociale homogénéise les aspirations des élèves : les élèves de milieu défavorisé font preuve, quand ils sont mêlés à des camarades plus favorisés, de visées scolaires plus ambitieuses. Un certain nombre de recherches (jusqu’alors essentiellement anglo-saxonnes) montrent également un impact de la mixité sociale sur la tolérance (4). Bref, vivre ensemble rend les jeunes plus ouverts et en quelque sorte plus ressemblants. Autant de bonnes raisons pour défendre des classes hétérogènes et, vu le lien entre niveau scolaire et origine socioculturelle, mélangées socialement.

Prendre le parti de tous les élèves

Mais la mixité sociale n’est pas sans poser problème. En particulier pour les élèves de milieu populaire, la confrontation avec des camarades de milieux plus favorisés peut engendrer des tensions, à un âge où la comparaison entre pairs (sur les goûts, les modes d’expression…) est très prégnante, avec parfois, à la clé, un sentiment de stigmatisation ou de dévalorisation (5). Du côté des parents, si la mixité sociale est un atout pour les plus faibles, elle peut être perçue par les plus favorisées comme détériorant les conditions de travail et les apprentissages eux-mêmes.

La responsabilité des politiques est alors complexe (6) : au-delà des mesures réglementaires nécessaires (redéfinition des secteurs de recrutements, manière d’y intégrer les établissements privés…), et au prix d’une redistribution des moyens aux établissements les moins favorisés, la priorité est d’assurer que les chances d’apprendre sont bien égalisées quels que soient les établissements. C’est un gage essentiel d’acceptabilité sociale, notamment de la part des parents les mieux informés, et c’est aussi une manière d’égaliser les conditions de travail des enseignants. Il serait alors moins difficile de convaincre les parents qu’éduquer ensemble toute une classe d’âge est bénéfique à tous. Aujourd’hui, alors que la mixité sociale est présentée comme un objectif consensuel, les parents les plus favorisés fabriquent activement de la ségrégation par le haut, en fuyant certains établissements, même s’ils se sentent parfois quelque peu coupables. De même, les enseignants, s’ils adhèrent au principe de la mixité sociale, ont tendance à laisser les établissements populaires les plus ségrégués à leurs collègues débutants… Au-delà de ces intérêts privés, c’est aux responsables politiques de prendre le parti de tous les élèves. C’est là une exigence républicaine : alors que dans notre pays, on met volontiers en avant le « handicap socioculturel » pour expliquer les inégalités sociales à l’école, une part de l’avantage dont disposent les enfants de milieu favorisé résulte du fait qu’ils ont accès à des contextes plus formateurs, ce qui est évidemment contraire à l’idéal proclamé d’égalité des chances.

Mixité : le public fait-il toujours mieux que le privé ?

Zep, collèges publics ou privés…, quels sont les établissements qui contribuent le plus à la mixité sociale ? Une étude menée par l’Édhec bouscule l’idée que la gratuité scolaire entraîne forcément plus de brassage social. Entre 2004 et 2014, la mixité des collèges n’a quasiment pas progressé. Par ailleurs, « les collèges privés sont surreprésentés parmi ceux qui contribuent le plus à la mixité sociale : alors qu’ils ne représentent que 20 % de l’ensemble des établissements, 50 % des collèges privés appartiennent au tiers des écoles les plus mélangées socialement », relève l’économiste Pierre Courtioux. À l’inverse, « le secteur public concentre en son sein des établissements plus ségrégués socialement, notamment dans les secteurs où une politique d’éducation prioritaire est déployée ». Ainsi, les collèges en zep sont quasiment absents des établissements les plus mixtes. Le constat est surprenant sachant que les collèges privés accueillent 43 % des enfants de chefs d’entreprises mais seulement 10 % des enfants d’ouvriers. L’une des explications avancées par l’étude est que dans certains départements, comme le Nord, le secteur privé permet « d’assurer un niveau de mixité sociale aussi élevé que celui de la moyenne nationale dans un environnement plutôt défavorisé ». Dans certains départements catholiques comme le Finistère ou la Vendée, le choix du privé, très présent, est souvent dicté par des motivations religieuses. En revanche, en Île-de-France, où les frais d’inscription pratiqués par le privé sont particulièrement onéreux, très peu de collèges privés se distinguent pour leur hétérogénéité sociale. Le choix du privé semble alors davantage entrer dans une logique d’entre-soi, avec une propension à la « ghettoïsation par le haut » (Pierre Merle). 

• « Dix ans de mixité sociale au collège : le public fait-il vraiment mieux que le privé ? »
Pierre Courtioux, Édhec, 2016.
• La Ségrégation scolaire
Pierre Merle, La Découverte, coll. « Repères », 2012.

Florine Galéron

Marie Duru-Bellat

Sociologue, chercheure à l’OSC et à l’Iredu, elle a publié, entre autres, avec François Dubet et Antoine Vérétout, Les Sociétés et leur école. Emprise du diplôme et cohésion sociale, Seuil, 2010.

 

Connaissances ou compétences, que transmettre ?

La question de la transmission scolaire a toujours fait débat. Le vieil affrontement entre tenants de l’instruction et ceux de l’éducation resurgit aujourd’hui, à travers de virulentes critiques de la notion de compétences.

Il n’est guère de question plus centrale pour l’école que de définir ce que l’on juge bon et nécessaire d’y transmettre aux élèves. Depuis plusieurs décennies, les débats autour de ce que l’école doit transmettre sont marqués par une opposition polémique : faut-il transmettre aux élèves des compétences – savoir prélever une information dans un texte, par exemple, ou des savoirs – ou leur faire connaître une récitation par cœur ? Cette opposition recouvre sans nul doute des positions idéologiques, mais elle soulève aussi de vraies questions pédagogiques et philosophiques.

L’école et le monde du travail

La carrière de la notion de compétence débute en France à l’orée des années 1980, après que nombre de critiques ont ébranlé l’école (1). Elle devait accepter de ne plus avoir le monopole de la transmission des connaissances et admettre que les savoirs scolaires ne sont ni sacrés ni indiscutables. En outre, Pierre Bourdieu et Jean-Claude Passeron sont passés par là (avec La Reproduction publié en 1970) et la critique de l’élitisme de la culture scolaire constitue une figure obligée, d’autant qu’avec la démocratisation des études, le lycée n’accueille plus seulement des « héritiers ». Les débats se nichent aussi dans un contexte de relatif dégel des relations entre l’école et le monde du travail et d’efforts pour revaloriser les formations professionnelles, avec le développement de la formation continue et des collaborations avec les milieux de l’entreprise qui importent dans le milieu scolaire des questionnements jusqu’alors incongrus : et si l’alternance pouvait être « éducative », de quoi a-t-on besoin pour s’insérer dans la « vraie vie » ?

Ces questionnements, certains pédagogues progressistes les avaient avancés depuis longtemps. Les pédagogues de l’éducation nouvelle (Ovide Decroly, Célestin Freinet, John Dewey…) prônaient une pédagogie active, rendant l’élève autonome dans la construction de ses savoirs, en d’autres termes compétent bien plus que savant. À partir des années 1970, de nombreux pédagogues donnent la priorité aux méthodologies d’apprentissage (« apprendre à apprendre ») par rapport aux savoirs disciplinaires, dans la mouvance du sociologue britannique Basil Bernstein. Celui-ci défendait une pédagogie « visible », découpant et explicitant les apprentissages, ainsi plus faciles à maîtriser par les élèves culturellement les plus éloignés de l’école, à l’opposé de cette pédagogie « invisible » opaque et élitiste, emblématique des lycées français d’alors. On entendait par là substituer à la hiérarchie des savoirs une représentation plus horizontale de la diversité des compétences, donnant ainsi une chance à chacun.

La science 
contre le marché ?

En France, sous l’étendard de pédagogues comme Philippe Meirieu, de nouveaux concepts pédagogiques apparaissent comme l’interdisciplinarité, la pédagogie par objectifs, ou par contrat, le travail de groupe, l’individualisation… La priorité est de former des personnes autonomes, à même de se débrouiller dans la vie, grâce à une gamme ouverte de « savoir-faire » et de « savoir-être ». Même si des intellectuels comme Alain Finkielkraut se déchaînent alors, au nom de la République, contre ces pédagogues qui attaquent les savoirs et sacrifient l’instruction à l’éducation (2), les textes officiels entérinent cette évolution. En France, la charte des programmes de 1992 consacre la notion de compétences exigibles en fin de formation, et le programme devient ainsi un « contrat d’enseignement », avec un élève que la loi d’orientation de 1989 place « au centre du système ».

D’emblée, la notion de compétence a suscité des réticences. Les enseignants sentaient bien qu’elle véhiculait subrepticement une conception différente des savoirs et du rôle de l’école, en promouvant un apprentissage en acte, un bricolage jugé à son efficacité en quelque sorte et que tout élève autonome pouvait réussir. Formés à la maîtrise d’une discipline, valorisée pour elle-même et fondement de leur autorité, ils ne pouvaient ignorer que cela augurait d’une transformation de leur travail avec les élèves, et revenait à contester la vertu intrinsèquement éducative, démocratique, libératrice, des savoirs disciplinaires, tels que définis et délivrés par eux seuls.

Depuis les années 2000, la critique de l’approche par compétences prend une nouvelle tournure : ne consacre-t-elle pas une entrée en force du néolibéralisme à l’école (3) ? Dans un monde du travail où les qualifications requises sont imprévisibles et variées, le travailleur, pour être efficace, doit se mobiliser, se montrer flexible et polyvalent. Et c’est bien pour répondre à ces besoins de l’économie et soutenir la croissance économique, suprême arbitre, que l’OCDE s’est investie dans les questions de formation, encourageant les États à rationaliser leurs systèmes éducatifs pour doter les jeunes des compétences dont ils auront besoin dans leur vie, en premier lieu professionnelle. Avec les enquêtes Pisa lancées en 2000 sous son égide, on entend évaluer les compétences des élèves de 15 ans dans trois domaines : compréhension de l’écrit, mathématiques, culture scientifique. Au-delà des programmes nationaux, l’essentiel est d’appréhender ce que les jeunes sont capables de faire à 15 ans ; par exemple, sont-ils capables de comprendre, d’utiliser et d’analyser des textes écrits ?

Une fois les compétences entrées à l’école, s’est mise en place toute une machinerie évaluative qui a de quoi rendre perplexes les enseignants : comment chiffrer le degré de maîtrise de compétences atomisées et parfois fort abstraites telles qu’« adapter sa communication en fonction du contexte » ? Et puis, comment être sûr que ces compétences que l’on s’échine à évaluer et qui seraient la sanction suprême de l’efficacité de l’enseignement sont bien transférables : la performance d’un élève – il parvient à comprendre tel texte écrit – garantit-elle, au-delà de l’exercice réussi, une compétence générale, quels que soient les textes et toute sa vie durant ?

De fait, si l’on dégage ces réticences de leur gangue corporatiste ou idéologique, l’approche par compétences soulève de vraies questions, essentielles pour les pédagogues (4). Celle du transfert tout d’abord : comment faire en sorte que les apprentissages réalisés en classe permettent à l’élève d’apprendre ensuite, quand il le faudra ? Mais aussi et plus largement, comment faire en sorte que ces savoirs soient véritablement formateurs, c’est-à-dire aident l’enfant à s’épanouir et à s’insérer dans la vie ?

Vastes questions, mais que l’on ne peut éluder en préconisant un retour à la primauté des savoirs : il n’est pas possible pour penser ce que l’élève devient, grâce à ses apprentissages, capable de faire, d’opposer savoirs et compétences. Pour réussir à utiliser une machine quelle qu’elle soit, on ne saurait soutenir qu’il suffit de connaître sur le papier son fonctionnement (ou de lire les instructions), ou bien, selon l’approche par compétences, de la manipuler… Le savoir joue un rôle dans l’action, pour déboucher sur la maîtrise.

Une dictature de l’utile ?

Une autre vraie question concerne cette primauté de l’utile que distillerait l’approche par compétences. La rhétorique du « à quoi ça sert » est d’autant plus mobilisée que l’on juge les élèves a priori peu intéressés par la chose scolaire. De plus, le contexte de l’emploi rend prioritaire le caractère « rentable » de ce que l’on apprend. Il n’y a là rien de méprisable : réussir sa vie ne se réduit pas à passer dans la classe supérieure grâce aux savoirs scolaires accumulés, chacun a besoin de trouver un débouché dans le monde du travail tel qu’il est. Il n’en demeure pas moins qu’il est fort hasardeux de délimiter l’utile d’aujourd’hui par rapport aux incertitudes de demain. De plus, tenter de motiver les élèves par l’utile les rend… utilitaristes et tue le sens de tous les apprentissages à l’utilité incertaine, sans compter les déceptions que la vie leur réservera à cet égard.

En filigrane, il y a la question de savoir quelle éducation l’on promeut si l’on accepte cette dictature de l’utile. La philosophe Martha Nussbaum (5) dénonce une éducation « tournée vers le profit ». Elle promeut au contraire une éducation à la démocratie, développant l’indépendance d’esprit, l’imagination et la capacité d’empathie, et fondée pour ce faire sur les humanités et les arts. Il ne s’agit pas de promouvoir une discipline de plus, mais un état d’esprit, en invitant les élèves à se mettre dans la peau d’un personnage de roman, à analyser leurs émotions devant une œuvre d’art, à s’étonner de si bien comprendre les propos d’un auteur – philosophe ou politique – datant de plusieurs siècles… Éduquer, ce serait aussi permettre aux élèves d’éprouver le plaisir des découvertes gratuites, le plaisir de surmonter la difficulté d’un raisonnement, le plaisir de comprendre, de « retrouver le sens des savoirs et de la culture »…
(6)

Si les débats savoirs versus compétences sont si vifs, c’est parce qu’ils interrogent la nature, l’ambition et les modalités d’une éducation qui ne se réduit pas à la transmission de savoirs. La notion de compétence a le mérite d’expliciter les objectifs que l’on vise et par conséquent d’ouvrir le débat sur ce que doit être le projet éducatif de notre école : si l’on peut contester le caractère démocratique des directives européennes en matière de compétences à transmettre, est-on si sûr que la façon dont le monde académique liste les savoirs disciplinaires à mettre au programme l’est beaucoup plus ? Une véritable réflexion sur la culture à dispenser à tous exige de dépasser l’opposition savoirs/compétences (7), mais aussi de se poser d’autres questions, peut-être (encore) plus dérangeantes, celle du bien-fondé du monopole de l’école et des spécialistes d’une discipline sur l’éducation, de la valeur formatrice d’une éducation par le « tout intellectuel ».

(1) Voir Françoise Ropé et Lucie Tanguy (dir.), Savoirs et compétences. De l’usage de ces notions dans l’école et l’entreprise, L’Harmattan, 2003.
(2) Voir Martine Fournier, « École : l’instruction contre l’éducation », Sciences Humaines, n° 178, janvier 2007. 
Disponible sur www.scienceshumaines.com/
(3) Voir Christian Laval et al., La Nouvelle École capitaliste, La Découverte, 2011, ou Angélique Del Rey, À l’école des compétences. De l’éducation à la fabrique de l’élève performant, La Découverte, 2010.
(4) Voir Marcel Crahay, « Dangers, incertitudes et incomplétude de la logique de la connaissance en éducation », Revue française de pédagogie, n° 154, janvier-février-mars 2006.
(5) Pour une présentation de ses thèses, voir www.laviedesidees.fr/L-utilite-sociale-des-humanites.html.
(6) M.Gauchet « Contre l’idéologie de la compétence, l’école doit apprendre à penser » (Le Monde, 02/09/2011). Voir aussi Marie-Claire Blais, Marcel Gauchet et Dominique Ottavi, Pour une philosophie politique de l’éducation, Bayard, 2002.
(7)Voir les réflexions de Philippe Perrenoud : « Le socle et la statue », Cahiers pédagogiques, 2006, n°439, 16-18.

 

http://www.scienceshumaines.com/connaissances-ou-competences-que-transmettre_fr_28987.html

L'enfance des génies

Dynamiser votre cerveau 1

Les grands génies ont eu, eux aussi, une enfance. L’éveil de l’intelligence est parfois capricieux : nombre d’entre eux n’ont pas été de jeunes prodiges. Comment s’est développée l’intelligence des grands génies ? Enquête sur l’enfance de ces êtres exceptionnels. Par Robert Clarke

Notre monde ne serait pas le même si n’avaient pas existé Einstein, Homère, Galilée, Mozart, Newton, Picasso, Darwin, Freud ou Marie Curie. Ces hommes et ces femmes exceptionnels ont joué un rôle capital dans le développement de la culture de l’humanité, en lui permettant des avancées fulgurantes dans de nombreux domaines de la science, de la médecine, des lettres ou des arts. Quelle est la raison de l’apparition d’un génie ? Il se peut que sa venue au monde soit due à un concours de circonstances dont la réunion tient à l’un de ces hasards dont la nature est coutumière, et qui échappent encore à toute explication scientifique. Mais rien n’interdit de chercher à percer le mystère en étudiant les circonstances de la naissance et de l’enfance des êtres exceptionnels.


Il n’existe pas de familles de génies.
Le génie serait-il héréditaire ? Rien ne l’indique ! Le seul exemple qui viendrait à l’appui de cette hypothèse serait celui de la famille Bach : parmi les 54 ancêtres, collatéraux et descendants mâles de Jean-Sébastien, 46 furent des musiciens professionnels et 17 des compositeurs. L’année de sa mort, 120 membres de sa famille se réunirent pour jouer ensemble, comme on le faisait depuis des générations. Chez les Bach, on naissait, on vivait, on mourait en musique. En revanche, on n’a recensé aucun musicien dans l’entourage de Schumann. On ne connaît pas de familles de génies, tout au plus existe-t-il des familles de talents, comme les Dumas, les Brontë, les Rostand, les Daudet, les Curie, les Perrin, les Breughel, les Scarlatti, ou les Purcell. Ici, l’influence héréditaire peut jouer. Sur le plan biologique, on n’a jamais trouvé de gène du génie, et tout laisse à croire qu’il n’existe pas. L’hérédité de l’homme, si complexe qu’elle apparaisse au profane, est en réalité trop pauvre pour expliquer à elle seule la formation d’un cerveau de génie. L’idée du prix Nobel William Shockley, l’inventeur du transistor, de créer une banque de sperme alimentée par des personnages très intelligents, pour donner naissance à de grands esprits, a suscité une protestation unanime dans le monde scientifique et n’a jamais abouti à aucun résultat. De toute manière, les biologistes sont d’accord pour estimer que l’hérédité n’est pas un facteur déterminant dans la genèse d’un génie. L’anecdote est célèbre parmi eux : le père est syphilitique, la mère tuberculeuse, des quatre enfants, le premier est aveugle, le second diminué, le troisième sourd-muet, le quatrième tuberculeux. Faut-il interrompre la cinquième grossesse ? Dans ce cas, vous supprimez Ludwig van Beethoven. On se souvient du dialogue entre la belle danseuse Isadora Duncan et le grand dramaturge Bernard Shaw. “Faisons un enfant, disait-elle : avec ma beauté et votre intelligence, il sera merveilleux”. Et Bernard Shaw de répondre “Et si c’était l’inverse ? “


Le rôle de l’environnement.
Peut-on tenter de mieux comprendre l’apparition de ces esprits exceptionnels en remontant aux circonstances de leur naissance et de leur petite enfance ? C’est une démarche tentante, mais la diversité des circonstances de leur venue au monde et du début de leur vie pose davantage de questions qu’elle n’apporte de solution. Certains sont nés dans un environnement qui facilita l’éclosion de leurs dons. Mozart, comme Bach, naquit dans une famille de musiciens et fut aidé dès leur plus jeune âge par leurs parents. Le père de Blaise Pascal fit tout pour que son fils se familiarise le plus tôt possible avec les mathématiques. Celui de Stuart Mill, le brillant économiste et philosophe anglais, soumit son fils à une discipline de fer, l’obligeant à apprendre le grec et le latin à 3 ans, sans l’autoriser à la moindre distraction. La mère du grand architecte Franck Lloyd Wright avait décidé de la carrière de son fils dès sa naissance. Il était encore au berceau qu’elle l’entourait d’images de beaux édifices. Le père de Picasso était peintre et lorsqu’il vit le talent de dessinateur de son fils, il fit tout pour l’encourager. Mais il comprit vite que les dons de son fils dépassaient les siens. Picasso raconte qu’il dessinait avant de parler. Le premier mot qu’il prononça fut ”piz, piz”, pour lapiz - crayon. L’importance de l’environnement familial sur le développement de l’enfant a été illustrée par plusieurs observations faites sur des enfants adoptés : ceux placés dans des familles aisées, dont le comportement est particulièrement attentif à leur développement, deviennent plus intelligents. L’analyse des réponses aux tests destinés à mesurer le quotient intellectuel montre, par ailleurs, que nous sommes plus intelligents que nos parents et nos grands-parents. Est-ce vrai ? Les spécialistes ont tendance à penser que cela traduit surtout une plus grande facilité à bien répondre à ces tests, ce qui résulte d’un environnement différent, lequel nous familiarise davantage avec les raisonnements logiques et les images, et nous permet donc de mieux répondre aux tests du QI. (1) De toute manière, on ne constate pas qu’il existe davantage de génies aujourd’hui qu’au cours des siècles passés. Mais cela confirme l’importance de cet environnement dans le développement intellectuel des enfants. Mozart aurait-il été Mozart s’il était né dans un petit village africain, loin de toute activité artistique, de toute éducation ? Ou plus simplement dans un milieu sans affinité musicale ? Combien d’éventuels Einstein, combien de Newton ont-ils fini comme leurs parents, contraints de cultiver leur maigre champ pour subsister, éloignés de toute possibilité de développer leurs dons ?


Le bébé naît homme.
Un apprentissage précoce serait-il favorable à l’éclosion de dons remarquables ? Les psychologues mettent tous, depuis Jean Piaget, l’accent sur l’importance de cet apprentissage, qui se développe surtout autour de l’âge de 2 ans. Pourrait-on fabriquer ainsi un génie ? Certains estiment qu’on peut développer chez un enfant n’importe quel don, même exceptionnel, en s’y prenant très tôt et en plongeant l’enfant dans l’ambiance correspondante. Ils estiment que tout enfant naît intelligent et qu’il est ouvert à tout ce qui excite sa curiosité naturelle, son besoin inné d’imaginer, de créer, d’inventer, de comprendre. Le bébé naît humain, dit le neuropsychologiste Jacques Mehler, ce qui signifie qu’il vient au monde avec la faculté de penser. C’est ce qui lui permet d’appréhender l’environnement extérieur, de dialoguer avec lui, d’apprendre à parler - ce qui correspond, si l’on y réfléchit un peu, à une remarquable prouesse intellectuelle. Le neuropsychiatre Roger Vigouroux propose une théorie originale, basée, dit-il, sur des observations biologiques, pour expliquer la genèse de dons exceptionnels chez l’enfant (2). Il suppose que les capacités artistiques, qu’il prend pour exemple, dépendraient du taux d’hormones mâles arrivant au cerveau pendant la grossesse. Cela commanderait l’organisation de connexions nerveuses susceptibles de modifier la latérisation de certaines fonctions du cerveau de l’enfant à naître, pouvant aboutir, soit à l’apparition de déficits, comme la dyslexie, soit à l’éclosion de dons particuliers. Le développement de certaines capacités à un niveau supérieur, dit-il encore, pourrait dépendre de l’accroissement excessif de certaines parties du cerveau par rapport à d’autres. Il cite le neurophysiologiste Jean-Pierre Changeux qui souligne l’importance de l’apprentissage précoce, en disant qu’apprendre, c’est choisir parmi une multitude de câblages neuronaux possibles, processus qui se développe tandis que l’enfant suit l’empreinte culturelle de son milieu. L’organisation d’un cerveau dépend de l’histoire et du contexte de son développement. De son côté, le psychiatre Philippe Brenot montre que, parmi les dons précoces, celui de la musique vient en premier lieu, suivi de prédispositions pour les mathématiques, puis pour le dessin, la création littéraire venant en dernier lieu, ce qui s’explique car il est nécessaire que le langage soit bien maîtrisé pour que l’écriture puisse s’exprimer (3). Cependant, Jean-Paul Sartre commença à cinq ans de remplir des cahiers de ses écrits. Beaucoup de grands musiciens furent précoces. Mozart et Saint Saens composèrent à 5 ans, Haydn à 6 ans, Mendelsohn, Chopin ou Schumann à 9 ans. Liszt se produit en public à cet âge, auquel Debussy entre au Conservatoire de Paris. Prokofiev écrit quatre opéras entre 9 et 14 ans. Strawinsky commença à composer dès qu’il fut en mesure d’atteindre le piano. À 2 ans, il étonna sa famille en chantant ce qu’il avait entendu chez des paysannes qui passaient devant la maison. Cela peut aussi s’expliquer par le fait, prouvé par de nombreuses observations, que l’oreille du fœtus est fonctionnelle très tôt, dès six mois : il entend à la fois les bruits internes du corps de sa mère et ceux qui viennent de l’extérieur. À la naissance, l’enfant montre très vite son intérêt pour la musique - avec une préférence pour celle qu’il a entendue alors qu’il était dans le ventre de sa mère. Il chantonne spontanément avant de babiller. Certains mieux que d’autres : les grands musiciens feront de la musique avant de parler. Un violoniste japonais, Shinushi Suzuki, imagina, après la deuxième guerre mondiale, de susciter des talents musicaux exceptionnels en plaçant les enfants, dès la première année de leur vie, pratiquement depuis leur naissance, dans une ambiance musicale quasi permanente. Dès qu’ils ont deux ans, il les soumet à un entraînement intensif, souvent en groupe, avec l’aide de leur famille. La méthode a donné quelques excellents instrumentistes, mais aucun génie musical.
En ce qui concerne l’aptitude aux mathématiques, le neurologiste Stanislas Dehaene a montré que le fait de calculer intéresse plus spécialement certaines zones du cerveau, dans le lobe frontal et pariétal. Bien qu’il se défende de cette conclusion, il n‘est pas exclu qu’elles soient anormalement développées chez les génies mathématiques, comme chez les calculateurs prodiges, que nous avons évoqués dans le numéro précédent (Le Monde de l’intelligence n° 3, page 40). D’autres recherches du même auteur montrent que le sens des nombres est probablement inné chez l’homme, de la même manière que le linguiste Noam Chomsky croît que nous possédons un sens inné du langage.

L’intelligence s’éveille parfois tard.   
Nombreux sont les génies qui n’ont pas été de petits prodiges et dont l’intelligence s’éveillera tard. Einstein ne parla pas avant l’âge de 3 ans, fut un enfant solitaire, renfermé, lent. Il eut toujours de grandes difficultés à apprendre ce qui ne l’intéressait pas - les langues étrangères, par exemple, son anglais fut toujours exécrable. Il fut refusé au concours d’entrée à l’École polytechnique de Zurich, pour sa faiblesse dans la plupart des matières. Seules les mathématiques et la physique le passionnaient. C’est à l’âge de 5 ans, quand on lui offrit une boussole et qu’il fut étonné par son fonctionnement que son esprit scientifique commença à s’éveiller. Churchill fut considéré pendant plusieurs années comme un retardé mental. Certains commencèrent par une scolarité banale, parfois mauvaise. Darwin fut jugé par ses maîtres comme “une faillite intellectuelle” et passa pour un élève médiocre jusqu’à l’âge de 17 ans. “Vous ne vous souciez que de chasse, de chiens et de rats, vous serez la honte de la famille”, lui disait son père. Walter Scott était considéré pour un idiot dans son enfance, Edison resta toujours le dernier de sa classe. Anatole France fut un écolier quelconque. Evariste Galois, mathématicien génial, mort dans un duel stupide à 21 ans, qui passa sa dernière nuit à noircir des liasses de papier de formules qu’on mettra un siècle à comprendre, n‘alla à l’école qu’à l’âge de 12 ans et ce n’est qu’un an plus tard qu’il eut la révélation des mathématiques. Il en fut de même pour Sophie Germain, l’une des rares femmes célèbres en mathématiques, qui décida à l’âge de 13 ans que ce devait être la chose la plus importante au monde en lisant qu’Archimède fut tué par un soldat romain dont il n’avait pas entendu la question, tant il était absorbé par un dessin géométrique.

Tchaikovsky travaillait dans un ministère et n’entra au conservatoire qu’à 22 ans. C’est à 33 ans que Gauguin abandonna son métier d’employé de banque pour devenir peintre. Matisse était clerc de notaire à Saint-Quentin, c’est parce qu’il fut immobilisé par une maladie qu’il s’intéressa à la peinture. Van Gogh commença à peindre à 27 ans. Shakespeare écrivit ses principales pièces entre 30 et 40 ans. Il faut parfois faire preuve de patience pour être un génie. ♦

 


(1) Ulric Nessler La Recherche N° 309
(2) Roger Vigouroux. La fabrique du beau (Éd. Odile Jacob)
(3) Philippe Brenot. Le génie et la folie (Éd. Plon)

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