A Octave Mirbeau
Les deux chaumières étaient côte à côte, au pied d'une colline, proches d'une petite ville de bains. Les deux paysans besognaient dur sur la terre inféconde pour élever tous leurs petits. Chaque ménage en avait quatre. Devant les deux portes voisines, toute la marmaille grouillait du matin au soir. Les deux aînés avaient six ans et les deux cadets quinze mois environ ; les mariages et, ensuite les naissances, s'étaient produites à peu près simultanément dans l'une et l'autre maison.
Les deux mères distinguaient à peine leurs produits dans le tas ; et les deux pères confondaient tout à fait. Les huit noms dansaient dans leur tête, se mêlaient sans cesse ; et, quand il fallait en appeler un, les hommes souvent en criaient trois avant d'arriver au véritable.
La première des deux demeures, en venant de la station d'eaux de Rolleport, était occupée par les Tuvache, qui avaient trois filles et un garçon ; l'autre masure abritait les Vallin, qui avaient une fille et trois garçons.
Tout cela vivait péniblement de soupe, de pomme de terre et de grand air. A sept heures, le matin, puis à midi, puis à six heures, le soir, les ménagères réunissaient leurs mioches pour donner la pâtée, comme des gardeurs d'oies assemblent leurs bêtes. Les enfants étaient assis, par rang d'âge, devant la table en bois, vernie par cinquante ans d'usage. Le dernier moutard avait à peine la bouche au niveau de la planche. On posait devant eux l'assiette creuse pleine de pain molli dans l'eau où avaient cuit les pommes de terre, un demi-chou et trois oignons ; et toute la lignée mangeait jusqu'à plus faim. La mère empâtait elle-même le petit. Un peu de viande au pot-au-feu, le dimanche, était une fête pour tous, et le père, ce jour-là, s'attardait au repas en répétant : "Je m'y ferais bien tous les jours"
Par un après-midi du mois d'août, une légère voiture s'arrêta brusquement devant les deux chaumières, et une jeune femme, qui conduisait elle-même, dit au monsieur assis à côté d'elle :
- Oh ! regarde, Henri, ce tas d'enfants ! Sont-ils jolis, comme ça, à grouiller dans la poussière.
L'homme ne répondit rien, accoutumé à ces admirations qui étaient une douleur et presque un reproche pour lui.
La jeune femme reprit :
- Il faut que je les embrasse ! Oh ! comme je voudrais en avoir un, celui-là, le tout petit.
Et, sautant de la voiture, elle courut aux enfants, prit un des deux derniers, celui des Tuvache, et, l'enlevant dans ses bras, elle le baisa passionnément sur ses joues sales, sur ses cheveux blonds frisés et pommadés de terre, sur ses menottes qu'il agitait pour se débarrasser des caresses ennuyeuses.
Puis elle remonta dans sa voiture et partit au grand trot. Mais elle revint la semaine suivante, s'assit elle-même par terre, prit le moutard dans ses bras, le bourra de gâteaux, donna des bonbons à tous les autres ; et joua avec eux comme une gamine, tandis que son mari attendait patiemment dans sa frêle voiture.
Elle revint encore, fit connaissance avec les parents, reparut tous les jours, les poches pleines de friandises et de sous.
Elle s'appelait Mme Henri d'Hubières.
Un matin, en arrivant, son mari descendit avec elle ; et, sans s'arrêter aux mioches, qui la connaissaient bien maintenant, elle pénétra dans la demeure des paysans.
Ils étaient là, en train de fendre du bois pour la soupe ; ils se redressèrent tout surpris, donnèrent des chaises et attendirent. Alors la jeune femme, d'une voix entrecoupée, tremblante commença :
- Mes braves gens, je viens vous trouver parce que je voudrais bien... je voudrais bien emmener avec moi votre... votre petit garçon...
Les campagnards, stupéfaits et sans idée, ne répondirent pas.
Elle reprit haleine et continua.
- Nous n'avons pas d'enfants ; nous sommes seuls, mon mari et moi... Nous le garderions... voulez-vous ?
La paysanne commençait à comprendre. Elle demanda :
- Vous voulez nous prend'e Charlot ? Ah ben non, pour sûr.
Alors M. d'Hubières intervint :
- Ma femme s'est mal expliquée. Nous voulons l'adopter, mais il reviendra vous voir. S'il tourne bien, comme tout porte à le croire, il sera notre héritier. Si nous avions, par hasard, des enfants, il partagerait également avec eux. Mais s'il ne répondait pas à nos soins, nous lui donnerions, à sa majorité, une somme de vingt mille francs, qui sera immédiatement déposée en son nom chez un notaire. Et, comme on a aussi pensé à vous, on vous servira jusqu'à votre mort, une rente de cent francs par mois. Avez-vous bien compris ?
La fermière s'était levée, toute furieuse.
- Vous voulez que j'vous vendions Charlot ? Ah ! mais non ; c'est pas des choses qu'on d'mande à une mère çà ! Ah ! mais non ! Ce serait abomination.
L'homme ne disait rien, grave et réfléchi ; mais il approuvait sa femme d'un mouvement continu de la tête.
Mme d'Hubières, éperdue, se mit à pleurer, et, se tournant vers son mari, avec une voix pleine de sanglots, une voix d'enfant dont tous les désirs ordinaires sont satisfaits, elle balbutia :
- Ils ne veulent pas, Henri, ils ne veulent pas !
Alors ils firent une dernière tentative.
- Mais, mes amis, songez à l'avenir de votre enfant, à son bonheur, à ...
La paysanne, exaspérée, lui coupa la parole :
- C'est tout vu, c'est tout entendu, c'est tout réfléchi... Allez-vous-en, et pi, que j'vous revoie point par ici. C'est i permis d'vouloir prendre un éfant comme ça !
Alors Mme d'Hubières, en sortant, s'avisa qu'ils étaient deux tout petits, et elle demanda à travers ses larmes, avec une ténacité de femme volontaire et gâtée, qui ne veut jamais attendre :
- Mais l'autre petit n'est pas à vous ?
Le père Tuvache répondit :
- Non, c'est aux voisins ; vous pouvez y aller si vous voulez.
Et il rentra dans sa maison, où retentissait la voix indignée de sa femme.
Les Vallin étaient à table, en train de manger avec lenteur des tranches de pain qu'ils frottaient parcimonieusement avec un peu de beurre piqué au couteau, dans une assiette entre eux deux.
M. d'Hubières recommença ses propositions, mais avec plus d'insinuations, de précautions oratoires, d'astuce.
Les deux ruraux hochaient la tête en signe de refus ; mais quand ils apprirent qu'ils auraient cent francs par mois, ils se considèrent, se consultant de l'oeil, très ébranlés.
Ils gardèrent longtemps le silence, torturés, hésitants. La femme enfin demanda :
- Qué qu't'en dis, l'homme ? Il prononça d'un ton sentencieux :
- J'dis qu'c'est point méprisable.
Alors Mme d'Hubières, qui tremblait d'angoisse, leur parla de l'avenir du petit, de son bonheur, et de tout l'argent qu'il pourrait leur donner plus tard.
Le paysan demanda :
- C'te rente de douze cents francs, ce s'ra promis d'vant l'notaire ?
M. d'Hubières répondit :
- Mais certainement, dès demain.
La fermière, qui méditait, reprit :
- Cent francs par mois, c'est point suffisant pour nous priver du p'tit ; ça travaillera dans quéqu'z'ans ct'éfant ; i nous faut cent vingt francs.
Mme d'Hubières trépignant d'impatience, les accorda tout de suite ; et, comme elle voulait enlever l'enfant, elle donna cent francs en cadeau pendant que son mari faisait un écrit. Le maire et un voisin, appelé aussitôt, servirent de témoins complaisants.
Et le jeune femme, radieuse, emporta le marmot hurlant, comme on emporte un bibelot désiré d'un magasin.
Les Tuvache sur leur porte, le regardaient partir muets, sévères, regrettant peut-être leur refus.
On n'entendit plus du tout parler du petit Jean Vallin. Les parents, chaque mois, allaient toucher leurs cent vingt francs chez le notaire ; et ils étaient fâchés avec leurs voisins parce que la mère Tuvache les agonisait d'ignominies, répétant sans cesse de porte en porte qu'il fallait être dénaturé pour vendre son enfant, que c'était une horreur, une saleté, une corromperie.
Et parfois elle prenait en ses bras son Charlot avec ostentation, lui criant, comme s'il eût compris :
- J't'ai pas vendu, mé, j't'ai pas vendu, mon p'tiot. J'vends pas m's éfants, mé. J'sieus pas riche, mais vends pas m's éfants.
Et, pendant des années et encore des années, ce fut ainsi chaque jour des allusions grossières qui étaient vociférées devant la porte, de façon à entrer dans la maison voisine. La mère Tuvache avait fini par se croire supérieure à toute la contrée parce qu'elle n'avait pas venu Charlot. Et ceux qui parlaient d'elle disaient :
- J'sais ben que c'était engageant, c'est égal, elle s'a conduite comme une bonne mère.
On la citait ; et Charlot, qui prenait dix-huit ans, élevé dans cette idée qu'on lui répétait sans répit, se jugeait lui-même supérieur à ses camarades, parce qu'on ne l'avait pas vendu.
Les Vallin vivotaient à leur aise, grâce à la pension. La fureur inapaisable des Tuvache, restés misérables, venait de là.
Leur fils aîné partit au service. Le second mourut ; Charlot resta seul à peiner avec le vieux père pour nourrir la mère et deux autres soeurs cadettes qu'il avait.
Il prenait vingt et un ans, quand, un matin, une brillante voiture s'arrêta devant les deux chaumières. Un jeune monsieur, avec une chaîne de montre en or, descendit, donnant la main à une vieille dame en cheveux blancs. La vieille dame lui dit :
- C'est là, mon enfant, à la seconde maison.
Et il entra comme chez lui dans la masure des Vallin.
La vieille mère lavait ses tabliers ; le père, infirme, sommeillait près de l'âtre. Tous deux levèrent la tête, et le jeune homme dit :
- Bonjour, papa ; bonjour maman.
Ils se dressèrent, effarés. La paysanne laissa tomber d'émoi son savon dans son eau et balbutia :
- C'est-i té, m'n éfant ? C'est-i té, m'n éfant ?
Il la prit dans ses bras et l'embrassa, en répétant : - "Bonjour, maman". Tandis que le vieux, tout tremblant, disait, de son ton calme qu'il ne perdait jamais : "Te v'là-t'i revenu, Jean ?". Comme s'il l'avait vu un mois auparavant.
Et, quand ils se furent reconnus, les parents voulurent tout de suite sortir le fieu dans le pays pour le montrer. On le conduisit chez le maire, chez l'adjoint, chez le curé, chez l'instituteur.
Charlot, debout sur le seuil de sa chaumière, le regardait passer.
Le soir, au souper il dit aux vieux :
- Faut-i qu'vous ayez été sots pour laisser prendre le p'tit aux Vallin !
Sa mère répondit obstinément :
- J'voulions point vendre not' éfant !
Le père ne disait rien.
Le fils reprit :
- C'est-i pas malheureux d'être sacrifié comme ça !
Alors le père Tuvache articula d'un ton coléreux :
- Vas-tu pas nous r'procher d' t'avoir gardé ?
Et le jeune homme, brutalement :
- Oui, j'vous le r'proche, que vous n'êtes que des niants. Des parents comme vous, ça fait l'malheur des éfants. Qu'vous mériteriez que j'vous quitte.
La bonne femme pleurait dans son assiette. Elle gémit tout en avalant des cuillerées de soupe dont elle répandait la moitié :
- Tuez-vous donc pour élever d's éfants !
Alors le gars, rudement :
- J'aimerais mieux n'être point né que d'être c'que j'suis. Quand j'ai vu l'autre, tantôt, mon sang n'a fait qu'un tour. Je m'suis dit : "V'là c'que j'serais maintenant !".
Il se leva.
- Tenez, j'sens bien que je ferai mieux de n'pas rester ici, parce que j'vous le reprocherais du matin au soir, et que j'vous ferais une vie d'misère. Ca, voyez-vous, j'vous l'pardonnerai jamais !
Les deux vieux se taisaient, atterrés, larmoyants.
Il reprit :
- Non, c't' idée-là, ce serait trop dur. J'aime mieux m'en aller chercher ma vie aut'part !
Il ouvrit la porte. Un bruit de voix entra. Les Vallin festoyaient avec l'enfant revenu.
Alors Charlot tapa du pied et, se tournant vers ses parents, cria :
- Manants, va !
Et il disparut dans la nuit.
> Deux paysans - ménages: quatre enfants Tuvache: 3 filles et 1 garçon Vallin: 1 fille - 3 garçons |
> Henri d'Hubière |
> Mme Henri d'Hubière | > Charlot Tuvache |
> Jean Vallin | > Adjoint du maire |
> Maire | > Curé |
> Voisin | > Instituteur |
> Rolleport | > |
> | > |
Etapes du récit:
1. Etat initial: |
Deux familles paysannes identiques survivent péniblement aux champs. Ils sont pauvres et ont chacun quatre enfants. |
2. Complication: |
Les d'Hubière se promènent à la campagne où ils arrivent près des deux fermes Tuvache et Vallin. Mme Henri d'Hubière décide alors qu'elle veut acheter un enfant. |
3. Action: |
La famille Tuvache refuse de vendre leur fils, mais les Vallin acceptent de vendre Jean contre des rentes et de l'argent. |
4. Résolution: |
Dix ans après, Jean Vallin revient à la ferme des parents. Ces derniers sont moins pauvres et l'accueillent dans leur ferme. Chez les Tuvache, le ton monte et Charlot se f‰che. Il quitte finalement la maison et renie ses parents. |
5. Morale: |
Selon Charlot, l'argent fait le bonheur, mais sa mère affirme que l'argent ne peut pas tout acheter. |
Commentaire personnel (questions):
> Quelle est la morale de ce conte?
> Qui sont critiqués, les Tuvache ou les Vallin?
A. Définir la nouvelle :
1. La nouvelle littéraire est un récit. C’est donc un texte narratif, une histoire que l’on raconte.
2. La nouvelle est un récit structuré chronologiquement.
3. La nouvelle est littéraire : le choix d’une formule narrative, l’emploi des figures de style et d’un vocabulaire riche et précis, l’exploitation des ressources de la langue pour créer des effets, captiver le lecteur, susciter en lui des émotions et des réflexions.
4. La nouvelle est fictive : c’est une oeuvre d’imagination.
5. La nouvelle a une structure narrative qui est constituée en général d’une situation initiale, d’un élément déclencheur (événement modificateur ou perturbateur), d’une suite d’actions et d’un dénouement, souvent inattendu.
6. La nouvelle littéraire est brève : elle peut généralement être lue en une seule séance de lecture. Le lecteur n’a pas à s’interrompre comme avec un roman.
7. La nouvelle littéraire présente une intrigue simple. En général, le récit est centré autour d’un seul événement.
8. La nouvelle présente des personnages peu nombreux pourvus d’une réalité psychologique. Entre le début et la fin de la nouvelle, une transformation psychologique s’opère chez le personnage principal. C’est cette concentration qui explique la grande tension dramatique présente dans de nombreuses nouvelles. Le signe le plus évident de cette tension est le renversement narratif : à la fin du texte, la situation est le plus souvent inverse de ce qu'elle était au début. La chute est imprévisible, surprenante, pertinente et cohérente.
9. La nouvelle présente des personnages qui sont crédibles et vraisemblables (sauf dans le cas d'une nouvelle fantastique); ils ont des traits de caractère décrits avec justesse mais seulement ceux essentiels à l’histoire.
10. Dans la nouvelle les données spatio-temporelles sont très limitées. Les lieux dépeints sont en général peu nombreux et esquissés seulement. Ils ont cependant une grande importance. Chaque élément devient significatif.
11. La nouvelle peut être réaliste, fantastique, policière ou de science-fiction.
12. Dans la nouvelle le titre est adéquat et ajoute du sens à l’intrigue sans en dévoiler la teneur de prime abord.
B. Tableau récapitulatif
La nouvelle littéraire :
-Un récit littéraire.
-Un texte narratif fictif.
-Un récit structuré chronologiquement.
-Un récit court.
-Une intrigue simple.
-Des données spatio-temporelles très limitées.
-Des personnages peu nombreux.
-Des personnages crédibles et vraisemblables.
1. -Auteur de la nouvelle : Guy de Maupassant (1850 - 1893).
2. -Noms des personnages : Famille Tuvache, Charlot, famille Vallin, Jean, Mr et Mme d’Hubières.
3. -Lieu où se déroule l’histoire : Le pays de Caux, (la Normandie), en France.
4. -Titre de la nouvelle : Aux champs.
Les champs désignent les terres cultivées, la campagne par rapport à la ville ou à Paris. Maupassant prend souvent comme cadre de ses histoires la campagne, et la campagne normande en particulier. C’est pourquoi l’on peut regrouper ses récits en contes normands et en contes parisiens.
5. -Les thèmes : l'adoption, la pauvreté, l'argent, la cupidité, la jalousie...
6. -Date de publication : parue pour la première fois le 31 octobre 1882 dans le journal Le Gaulois puis dans « Les contes de la bécasse », 1883.
7. -Le réalisme : Guy de Maupassant s’est appliqué à décrire fidèlement la société de son époque, aussi bien la classe bourgeoise que la vie des paysans normands. C’est ce milieu campagnard que nous retrouvons dans « Aux champs »
Résumé
Deux familles pauvres, les Tuvache et les Vallin, habitaient dans deux pauvres chaumières voisines. Ils vivaient misérablement jusqu’au jour où un couple, Mr et Mme d’Hubières, passa près de chez eux. Ces derniers ne pouvaient pas avoir d’enfant et en étaient très malheureux.
La dame prit l’habitude de venir rendre visite aux enfants et voulut adopter, moyennant finances, le petit Charlot, le plus jeune des Tuvache. La mère de ce dernier refusa violemment une proposition aussi alléchante qu’inhumaine à ses yeux. Le couple proposa alors le contrat aux Vallin qui, après avoir marchandé, acceptèrent la rente et signèrent chez le notaire.
À partir de ce jour, les deux familles cessèrent toutes bonnes relations à cause de la violente réaction de la mère Tuvache et des insultes qu’elle ne cessait de proférer.
Vingt années plus tard, Jean, le fils des Vallin, devenu un magnifique jeune homme, refit son apparition. Il entra dans la maison qui l’avait vu naître et embrassa ses parents. Ses derniers, fiers de sa réussite, le présentèrent aux personnalités du village.
Charlot, en proie à la jalousie et au sentiment d’injustice, en voulut alors à ses parents de ne l’avoir pas « vendu » et les traita de «manants» avant de partir pour toujours.
Maupassant et le réalisme.
Le réalisme :
Le réalisme est un mouvement littéraire et artistique du XIXe siècle (vers 1850-1890) qui donna pour mission au roman et à la nouvelle d’exprimer le plus fidèlement possible la réalité, de peindre le réel sans l’idéaliser. Les histoires réelles sont privilégiées, les personnages ont des sentiments vraisemblables et le milieu ainsi que le physique des personnages sont évoqués avec minutie et objectivité.
L’écrivain réaliste se tourne vers ce qui l’entoure : il est un observateur du réel, un peintre de son temps.
L’écrivain réaliste préfère donc le réel au romanesque, et en conséquence, l’objectivité à la subjectivité. Les faits seront établis et décrits à partir de l’observation et d’une documentation précise.
En littérature, des écrivains comme Honoré de Balzac, Gustave Flaubert ou Guy de Maupassant se fondent sur une observation précise du monde dans lequel ils vivent, sans craindre de montrer ce qui peut paraître médiocre, laid ou vulgaire. Le réalisme dans la nouvelle « Aux champs » de Maupassant.
Repérage de tout ce qui contribue au réalisme dans le récit « Aux champs ».
1. Réalisme des descriptions :
Le cadre spatial et temporel est réaliste : la campagne normande à la fin du 19ème siècle.
Guy de Maupassant comme un auteur de nouvelles réalistes s’est appliqué à décrire fidèlement la société de son époque, aussi bien la classe bourgeoise que la vie des paysans normands. C’est ce milieu campagnard que nous retrouvons dans « Aux champs ».
Description de la vie besogneuse des paysans : tous les jours se ressemblent et les deux familles sont unies dans la même misère.
Description d’une vie difficile : les deux familles vivent misérablement: Le lexique de la pauvreté est important : « chaumières, besognaient dur, terre inféconde, masure, vivait péniblement »...
Description d'une vie en plein air : « grouiller dans la poussière », « joues sales, cheveux blonds frisés et pommadés de terre »…
Description du menu quotidien : les familles sont décrites comme pauvres par le biais des repas : « vivait péniblement de soupe, de pommes de terre et de grand air », « pain molli dans l’eau où avait cuit les pommes de terre, un demi-chou et trois oignons », « Un peu de viande au pot-au-feu, le dimanche, était une fête pour tous », « tranches de pain qu’ils frottaient parcimonieusement avec un peu de beurre », l’évocation de la table « vernie par cinquante ans d’usage »…
Les d’Hubières sont décrits comme riches : ils appartiennent à la noblesse (la particule « de » élidée), « la légère voiture », l’argent…
2. Réalisme des dialogues :
L’emploi du patois (le jargon des paysans) produit un effet de réalisme. Il montre le décalage entre les paysans et les d’Hubières et insiste sur le caractère peu éduqué des campagnards.
L’importance des scènes dialoguées pour accentuer l'impression d'authenticité et faire « entendre » les façons de parler des paysans, et le contraste avec les façons de parler des gens d'une catégorie sociale plus élevée.
Les personnages de la nouvelle « Aux champs » de Maupassant.
1) La famille Tuvache et la famille Vallin : deux familles de paysans pauvres et solidaires.
On relève au début de la nouvelle le champ lexical de la fusion : les deux familles forment deux groupes homogènes, elles vivent dans des chaumières jumelles, travaillent la même « terre inféconde », ont un nombre identique d’enfants répartis de façon symétrique (trois filles et un garçon, une fille et trois garçons).
La destinée des deux familles paysannes : le lecteur suit leur évolution, de l’union initiale (fusion, proximité, alliance et entente du début) à la désunion finale (l’éclatement, la dispersion et la haine de la fin). Les Vallin se sont enrichis et sont heureux, les Tuvache sont toujours misérables et le malheur les frappe plus cruellement encore.
Les paysans sont disqualifiés dans cette nouvelle : ils ont un comportement bestial, leur langue est déformée, leurs enfants se vautrent « dans la poussière », leur intelligence est limitée. Les parents Tuvache sont « stupéfaits et sans idée ». Au fil du récit, le narrateur emploie en effet un lexique de plus en plus dépréciatif concernant les Tuvache, et en particulier la mère : « ostentation », « grossières », « vociférées », « sans répit ». De plus, il insinue progressivement le doute quant à ses véritables motifs.
A. Jean Vallin : comme les autres enfants, il vit misérablement, dans la saleté. C’est un « marmot hurlant » qu’emporte Mme d’Hubières. Pus tard, il s’est transformé « Un jeune monsieur, avec une chaîne de montre en or, descendit d’une brillante voiture ». Il parle bien : « Bonjour, papa ; bonjour, maman ». Ces quelques détails montrent l’évolution de Jean, sa promotion sociale. De plus, il a été élevé dans le souvenir de ses parents qu’il a quittés à quinze mois environ.
B. Charlot Tuvache : à quinze mois avec « ses joues sales » et « ses cheveux blonds frisés et pommadés de terre », il a attiré l’attention de Mme d’Hubières. À vingt et un an Charlot est resté un rustre et il quitte ses parents car il leur reproche de ne pas l’avoir « vendu » aux d’Hubières, d’être restés misérables, d’avoir fait son malheur en ne faisant pas son bonheur, de l’avoir privé de cette chance d’ascension sociale. C’est lui qui aurait dû revenir riche, bien habillé et bien élevé.
2) Les d’Hubières : une famille riche qui appartient à la noblesse (particule « de » élidée).
Le couple est peut-être en cure pour résoudre un problème de stérilité « Nous n’avons pas d’enfants, nous sommes seuls, mon mari et moi ». Rolleport est signalé comme une ville d’eau. Ils sont riches ce qui va leur permettre d’obtenir ce qu’ils souhaitent : « acheter » un enfant. Les d’Hubières représentent la richesse, mais aussi et surtout les « tentateurs ».
A. M. d’Hubières : -il est vraisemblablement stérile, cela l’humilie : « ces admirations qui étaient une douleur et presque un reproche pour lui ».
-Il apparaît plutôt faible et uniquement occupé à satisfaire les caprices de sa femme. Il est soumis face à ses fantaisies : « accoutumé à ces admirations », « son mari attendait patiemment dans sa frêle voiture ».
B. Mme d’Hubières : -elle a du caractère : « conduisait elle-même ».
-Elle est en mal d’enfant : « Il faut que je les embrasse ! Oh ! Comme je voudrais en avoir un ».
-Elle a prémédité cette adoption : « reparut tous les jours, les poches pleines de friandises et de sous ».
-Mme d’Hubières apparaît puérile. Elle est habituée à tout obtenir : « une voix d’enfant dont tous les désirs ordinaires sont satisfaits ».
-Elle se comporte comme une enfant gâtée impatiente d’assouvir ses désirs : « une ténacité de femme volontaire et gâtée », « trépignant d’impatience ».
-Le narrateur donne ainsi du couple une image plutôt péjorative.
La structure narrative de la nouvelle « Aux champs ».
1) Délimitation des passages de la nouvelle « Aux champs » :
A. La situation initiale :
De : « Les deux chaumières ». À : «Je m'y ferais bien tous les jours.»
B. L’élément perturbateur ou modificateur :
De : « Par un après-midi du mois d'août, ». À : « Elle s'appelait Mme Henri d'Hubières. »
C. Les péripéties : La 1ère négociation :
La 2ème négociation :
La vie après le départ de Jean :
De : « Un matin, en arrivant, ». À : « …la voix indignée de sa femme. »
De : « Les Vallin étaient à table, ». À : « un bibelot désiré d'un magasin. »
De : « Les Tuvache, sur leur porte, ». À : « …deux autres soeurs cadettes qu'il avait. »
D. Le rebondissement :
De : « Il prenait vingt et un ans, quand, un matin, ». À : « Charlot, debout sur le seuil de sa chaumière, le regardait passer. »
E. La situation finale ou la chute :
De : « Le soir, au souper, il dit aux vieux: ». À : « Et il disparut dans la nuit. »
2) Retrouvez l’ordre du schéma narratif du récit :
a) Charlot, le fils Tuvache, jaloux de son voisin regrette la décision de ses parents et quitte le foyer.
b) Un couple riche sans enfant arrive et désire adopter un des enfants.
c) Devenu grand, Jean, le fils adopté revient chez ses parents : son allure et son niveau de vie sont bien différents de ceux de ses parents.
d) Deux familles pauvres élèvent leurs enfants ensemble de la même façon.
e) La première famille refuse, la seconde accepte. Grâce à l'argent de la famille riche, la seconde famille vit mieux tandis que la première s'enfonce dans l'indignation et la misère.
I. Mme d’Hubières
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Écrivain nouvelliste français, issu de la petite noblesse de Province, Guy de Maupassant est né en 1850 au château de Miromesnil près de Dieppe (né à Fécamp d’après d’autres sources). Après la séparation de ses parents en 1860, il passe son enfance en Normandie avec sa mère, période pendant laquelle il apprend à connaître ce pays que l'on retrouve dans beaucoup de ses nouvelles.
Il suit une scolarité en école publique. En 1868, après être renvoyé du séminaire de Rouen pour des écrits ne plaisant pas aux clercs tenant l'établissement, il commence des études de droit à la faculté de Rouen pendant deux ans.
En 1870, il commence un service militaire qui durera jusqu'à fin 1871.
Après la guerre, Guy de Maupassant travaille comme fonctionnaire à Paris et goûte aux plaisirs de la capitale. Il fait son apprentissage d'écrivain auprès de Gustave Flaubert qui le prend sous sa protection. Guy de Maupassant commence par écrire des poèmes, puis se tourne vers la nouvelle en 1875. Il collabore avec les écrivains naturalistes aux "soirées de Médan" (1880) en publiant « Boule de Suif ». Sa vie est guidée par son seul idéal littéraire et son fort attachement au réalisme mettant en scène la méchanceté humaine et l'horreur ordinaire. Il publie au total six romans et seize volumes de nouvelles, entre réalisme et fantastique, qui lui apportent, grâce à son talent de conteur, célébrité et fortune.
À partir de 1890, il est atteint de troubles nerveux. Son état mental décline et Guy de Maupassant s'enfonce peu à peu dans la folie.
Apres une première tentative de suicide ratée le 1er janvier 1892, il est interné à la maison de santé du docteur Blanche comme son frère Hervé en 1889. Cette fin d'existence végétative s'achève le 6 juillet 1893.
Brillant élève de l'école réaliste et naturaliste, disciple de Zola et admirateur de Flaubert, Maupassant se caractérise par son pessimisme et sa peur de la mort.
Tableau récapitulatif :
-Naissance : Le 05 août 1850 à Tourville-sur-Arques.
-Décès : Le 6 juillet 1893 à Paris.
-Activité : Écrivain nouvelliste et romancier.
-Nationalité : France.
-Mouvement : Réalisme et naturalisme.
Publications par ordre chronologique :
Boule de Suif (1880), La Maison Tellier (1881, Une partie de campagne (1881),Mademoiselle Fifi (1882), Ce cochon de Morin (1882), La Folle (1882), La Légende du Mont-Saint-Michel (1882), La Ficelle (1883), Deux Amis (1883), Une vie (1883), Aux champs (1883), Une vendetta (1883), Contes de la bécasse (1883), Au soleil (1884), Clair de lune (1883), Les Soeurs Rondoli (1884), Yvette (1884), La Parure (1884), Miss Harriet (1884), Un fou ? (1884), Adieu ! (1884), L’Héritage (1884), Monsieur Parent (1885), Lettre d'un fou (1885), Bel-Ami (1885), Contes du jour et de la nuit (1885), Le Horla 1ère version (1885), Le Horla deuxième version (1887), Mont-Oriol (1887), Sur l’eau (1888), Pierre et Jean (1887/1888), Le Rosier de Madame Husson (1888), Le Port (1889), Fort comme la mort (1889), La Main gauche (1889), Histoire d’une fille de ferme (1889), Mouche (1890), La Vie errante (1890), Notre coeur (1890), L'Inutile Beauté (1890)
https://sites.google.com/site/francaislycee/auxchamps/fiches
1. 2020-09-19
bonjour j'ai besoin de savoir qu'elle est le rôle du père dans le livre son importance etc....
2. 2020-09-13
bonjour,
Moi aussi j'ai le texte dans mon livre de français mais Cependant je ne sais pas : Comment la similitude des deux familles est-elle montrée?
Pouvez-vous m'aider ?
merci d'avance
3. 2020-04-03
bonjour,
j'ai le même texte dans mon livre de français mais il y a une questions que je n'arrive pas : Qu'est ce qui constitue l'élément perturbateur du récit ?
pouviez vous m'aider c'est un peu urgent.
merci d'avance
Le 2020-04-03
Bonjour C'est la visite du bohémien (l'étranger).
4. 2019-11-06
genial
5. 2019-10-04
superbe texte
6. 2019-10-04
très bon texte merci beaucoup sa nous a beaucoup servi pour le français
7. 2019-09-30
très bon texte merci beaucoup
8. 2019-01-04
tooop mrc bcp
9. 2018-11-22
Lah yhfdk
10. 2017-10-19
Mrccccccccccccccccc super aide 19 /20
11. 2017-09-03
Bravo, et merci.
12. 2016-12-11
Layhfdak akhouya
13. 2016-01-05
merciiiiiiiiii beaucoup
14. 2015-10-27
merci
16. 2013-11-20
merci très bonne annalyse
17. 2013-05-19
merci
Guy de Maupassant écrit super bien !!!!!!
ses histoires sont passionnantes !! Je l'en félicite !!!!!
Merci
18. 2013-03-21
Goooooooooooood subject
19. 2013-02-12
20. 2013-01-12
thank you so much
merci beaucoup
شكرا جزيلا
21. 2013-01-09
merciiiiiiiiii
22. 2013-01-08
J'ai déjà préparé la fiche de lecture de "Aux champs" mais je n'arrive pas à faire une suite pour la nouvelle . Alors, svp vous pouvez m'aider si c'est possible bien-sur !
.-Merci d'avance
23. 2013-01-06
merci
1. Par wassim le 2024-02-26
tres bien
2. Par fistone le 2023-07-09
Bon courage
3. Par mouna el achgar le 2023-07-09
je suis une enseignante de la langue française et cette année je vais enseigner pour la première fois ...
4. Par Salwa le 2023-03-18
Merci
5. Par Rbandez le 2022-11-19
Trés Bon resumé
6. Par Rbandez le 2022-11-19
Trés Bon resumé
7. Par El otmani le 2022-11-01
Bonjour Merci pour votre exemple je le trouve vraiment intéressant Auriez-vous un exemple pour une ...
8. Par Ben le 2022-10-26
C'est un des articles les plus complets qu'il m'a été donné de lire sur les blogs et l'enseignement ! ...