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Barbara - Jacques Prévert - Etude

Introduction

     Jacques Prévert est né le 4 février 1900 et est mort le 11 avril 1977. Il a eu beaucoup de mal à se faire reconnaître des critiques car on lui reprochait la trop grande simplicité de sa poésie.
     A présent, il est considéré comme un des plus grands poètes du XXème siècle et il est publié dans la collection de La Pléiade, synonyme de consécration et d’honneur pour un écrivain. 
     La poésie Barbara est extraite de Paroles, paru en 1946. 
     C’est un texte de circonstances qui se réfère aux 165 bombardements de la ville de Brest entre le 19 juin 1940 et le 18 septembre 1944. La destruction complète de la ville inspire une réflexion pessimiste sur l’amour et la vie.


Lecture 

Barbara

Rappelle-toi Barbara
Il pleuvait sans cesse sur Brest ce jour-là
Et tu marchais souriante
É panouie ravie ruisselante
Sous la pluie
Rappelle-toi Barbara
Il pleuvait sans cesse sur Brest
Et je t'ai croisée rue de Siam
Tu souriais
Et moi je souriais de même
Rappelle-toi Barbara
Toi que je ne connaissais pas
Toi qui ne me connaissais pas
Rappelle-toi
Rappelle-toi quand même ce jour-là
N'oublie pas
Un homme sous un porche s'abritait
Et il a crié ton nom
Barbara
Et tu as couru vers lui sous la pluie
Ruisselante ravie épanouie
Et tu t'es jetée dans ses bras
Rappelle-toi cela Barbara
Et ne m'en veux pas si je te tutoie
Je dis tu à tous ceux que j'aime
Même si je ne les ai vus qu'une seule fois
Je dis tu à tous ceux qui s'aiment
Même si je ne les connais pas
Rappelle-toi Barbara
N'oublie pas
Cette pluie sage et heureuse
Sur ton visage heureux
Sur cette ville heureuse
Cette pluie sur la mer
Sur l'arsenal
Sur le bateau d'Ouessant
Oh Barbara
Quelle connerie la guerre
Qu'es-tu devenue maintenant
Sous cette pluie de fer
De feu d'acier de sang
Et celui qui te serrait dans ses bras
Amoureusement
Est-il mort disparu ou bien encore vivant
Oh Barbara
Il pleut sans cesse sur Brest
Comme il pleuvait avant
Mais ce n'est plus pareil et tout est abimé
C'est une pluie de deuil terrible et désolée
Ce n'est même plus l'orage
De fer d'acier de sang
Tout simplement des nuages
Qui crèvent comme des chiens
Des chiens qui disparaissent
Au fil de l'eau sur Brest
Et vont pourrir au loin
Au loin très loin de Brest
Dont il ne reste rien.

Jacques Prévert, Paroles

 


 
 
Annonce des axes

Etude

I/ Une poésie de circonstances et un poème d’amour 

1/ Une chanson populaire

Il s’agit en réalité d’une rengaine écrite dans un style familier avec des répétitions et des reprises.
Comme dans une chanson, on trouve un refrain et le poète s’adresse à une personne ; le thème général est celui d’une chanson. La nostalgie du bonheur passé est une résurgence des souvenirs (= retour brutal).

2/ Un cœur des rues

Le paysage est familier et il évoque la rue de Siam (ancien pays d’Asie, actuelle Thaïlande), le bateau d’Ouessant (île au large de Brest avec un phare). Ces noms propres sont ancrés dans la vie quotidienne des Bretons.
Barbara, avec son sourire et sa beauté, représente la femme en général et son apparition lumineuse, soulignée par les trois adjectifs du vers 4, repris en chiasme au vers 27, contraste avec la banalité morose.
Le personnage jaillit brutalement au vers 18 et les syllabes de son nom au vers 19 forment un cri. Cette rencontre amoureuse est très simple : c’est le croisement de deux sourires et l’échange de regards inconnus. 
La reprise des trois adjectifs du vers 21 a aussi pour fonction de traduire l’émotion du jeune amoureux.

3/ Un amour rayonnant

Le poète est témoin de la scène et il prend parti pour les amoureux, comme le montre le tutoiement de proximité utilisé avec insistance depuis le début. 
Cette communion du poète avec les jeunes amants fait partie de la thématique prévertienne comme par exemple dans le poème « Les enfants qui s’aiment ».
L’anaphore « Rappelle-toi Barbara » traduit cette complicité mais le rayonnement de l’amour est si puissant qu’il transfigure la nature elle-même à partir du vers 31 : l’image de la pluie n’est plus la banale représentation du climat océanique mais l’expression du bonheur amoureux qui inonde de sa force toute la nature.
Ce bonheur tranquille s’impose avec le ralentissement du rythme aux vers 31, 32, 33, 34, 35 et 36 qui culmine avec « Ouessant » (vers 36).
Pourtant, dès ce passage est introduite une note inquiétante au vers 35 : « l’Arsenal », « dépôt d’armes ». Peu à peu, le poème va se renverser.


II/ Un cri de colère 

1/ L’irruption du mal

Le basculement se fait au vers 37 avec un cri de douleur beaucoup plus rauque que tendre.
La guerre fait irruption dans le bonheur amoureux et le ton change. 
La familiarité du début s’efface.

2/ Le procès de la guerre

Le poète s’indigne contre la guerre qui détruit l’amour et la condamnation anti-militariste s’exprime avec une violence inouïe (= jamais vue) dans la langue française puisque le poète n’hésite pas à employer un vocable argotique, par définition anti-poétique.
Le langage courant est impuissant à traduire la révolte des cœurs purs. Le poète reprend ensuite ses esprits et fait passer son émotion par des moyens plus classiques telle que l’accélération du rythme aux vers 48 et 49.
L’éloquence pathétique (pathos : l’émotion) se fonde de nouveau sur la métamorphose de l’image de la pluie qui reprend une apparence classique, celle du déluge destructeur. 
Le principal crime de la guerre aux yeux du poète est de séparer les amants.


III/ Un message pessimiste 

1/ Un spectacle désespéré

Au-delà du drame amoureux, le spectacle des ruines de Brest, transformé en paysage de cauchemar, désespère le poète.
En effet, la guerre cesse mais elle laisse des stigmates dans le cœur des hommes. 
Ce désespoir s’exprime par une métaphore et une comparaison. La métaphore se situe au vers 50 et n’est pas originale pour désigner la violence et le malheur (l’orage) car elle s’applique à la pluie. La comparaison est celle des nuages avec des chiens : on note le terme « crever » (= s’ouvrir en s’éclatant) qui n’est pas du tout de guerre : il s’applique d’ailleurs aux animaux.

2/ La mort est plus forte que l’amour

Le désespoir est philosophique : le dernier mot du texte (« rien ») illustre le triomphe du néant et de la mort comme le verbe « pourrir » (vers 56). 
Le désespoir prend des actions tragiques : les pièges du destin cruel se sont refermés inexorablement (= sans possibilité de retour).



Conclusion

     Dans le poème Barbara, l'amour a la capacité d'engendrer autour de lui un environnement positif. Le paysage devient le miroir du bonheur mais aussi du malheur. Ce poème a des apparences de la facilité d’une chanson populaire. En réalité, il dénote une sensibilité à vif, un jeu subtil sur le pathétique.
     Le poète atteint son objectif avec fort peu de moyens puisque le poète n’a recours qu’à une seule image : la pluie. C’est ainsi qu’il parvient à dénoncer avec force les horreurs de la guerre.

 
 

 

http://www.bacdefrancais.net/barbara.php 

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