« Trouvez en une minute le maximum de prénoms qui commencent par M ! » « Cherchez le maximum d’utilisations possibles d’un trombone ! » Voilà le genre de questions formant la trame des questionnaires de créativité. Les techniques de création littéraire, du type OuLiPo, reposent sur le même principe : il s’agit de construire une petite histoire à partir de quelques mots (éléphant, New York, camembert, inflation, jalousie…).
Il est à noter que dans ces exercices, la créativité est toujours stimulée par une règle. La contrainte ne limite pas la création, elle l’aiguillonne. Sur ce principe, Georges Perec a écrit un roman de plus de 300 pages – La Disparition (1969) – sans utiliser une seule fois la lettre « e », la plus courante de la langue française.
Les premiers tests de créativité ont été inventés dans les années 1950. À l’époque, le QI régnait en maître dans l’étude des aptitudes intellectuelles. Le psychologue américain Joy P. Guilford, alors l’une des figures dominantes de la psychométrie, a eu l’idée de construire un test pour mesurer les capacités créatives. En comparant avec les performances au QI, il a découvert que les performances de créativité ne recouvraient pas celles de l’intelligence : preuve que l’on pouvait être très créatif sans être forcément très intelligent (et inversement, être intelligent sans être créatif).
J.P. Guilford a alors essayé de comprendre sur quelles aptitudes reposait cette créativité. Et il en est venu à conclure à l’existence d’une « pensée divergente ». Alors que le QI est la capacité de trouver « la » bonne réponse à un problème, la créativité serait la capacité à imaginer une palette variée de solutions : d’où le terme de « pensée divergente » (notons que l’idée de « pensée divergente » était largement commandée par la nature des tests eux-mêmes, tout comme les tests de QI proposent implicitement une définition de l’intelligence de type verbal et logico-mathématique).
L’approche expérimentale initiée par J.P. Guilford et par Ellis Paul Torrance (auteur du Torrance tests of creative thinking, TTCT) va par la suite imprégner toutes les recherches en laboratoire sur la créativité. C’est ainsi que vont se développer des études fructueuses sur les styles cognitifs ou sur l’évolution de la créativité en fonction de l’âge (1).
Une autre piste d’étude de la créativité porte sur la psychologie du « génie ». Comment pensent les Léonard de Vinci, Mozart, Picasso, Einstein, etc. et tous ceux qui ont révolutionné leur domaine, dans les arts, les sciences, les techniques ? Le concept qui a guidé la masse de travaux consacrés aux « génies » a longtemps reposé sur deux idées implicites. D’abord que la créativité relève d’une personnalité d’exception ; ensuite que les génies sont des originaux, en rupture avec l’esprit de leur époque. Albert Einstein est ce savant échevelé, qui s’est formé en marge de l’institution scientifique, et qui tire la langue aux autorités. Mozart aussi était un insupportable garnement, anticonformiste, facétieux. Et comme les déviants, marginaux ou même fous ne manquent pas parmi les artistes (Vincent Van Gogh en est le symbole), il était aisé de conclure que génie et folie rimaient bien ensemble (2).
Une autre idée souvent avancée relève de « l’effet eurêka ». Nombre d’inventeurs, de mathématiciens, de créateurs ont décrit certaines de leurs découvertes sous la forme d’une intuition soudaine – le fameux « eurêka » d’Archimède. Les psychologues ont décrit ce phénomène sous le nom d’« insight », une brusque réorganisation d’éléments disparates qui apparaît sous la forme d’une illumination (3).
Le psychologue américain Milahy Csikszentmihaly soutient, quant à lui, que ces moments privilégiés de découverte surviennent dans un état de conscience particulier, le « flow », qui correspond à un moment d’attention flottante où l’esprit vagabonde.
Mais à force de fouiller dans les secrets intimes du génie, de scruter leur vie privée et leur histoire, les spécialistes en sont peu à peu arrivés à des conclusions moins héroïques et singulières qu’on l’avait imaginé.
L’un des premiers à avoir remis en cause le modèle du « génie créateur » est Robert Weisberg, auteur de Creativity, Genius and Others Myths (1986). Selon lui, la biographie des grands créateurs révèle souvent des gens obstinés (ayant quelques idées fixes et non une pensée divergente) et très gros travailleurs, contrairement à l’image du dilettante qui découvre le secret de la gravitation en voyant tomber une pomme d’un arbre. Les scientifiques ou les artistes d’exception sont en général des experts qui sont à la pointe de la science ou de l’art de leur époque : ce ne sont nullement d’aimables amateurs qui furètent à l’écart des sentiers battus. Ce fut le cas pour Einstein comme pour Picasso. Les découvertes simultanées démontrent au passage que l’innovation plane dans l’air du temps, et que les spécialistes d’un domaine chassent sur les mêmes terres, au même moment et avec des stratégies semblables.
Enfin, il est très difficile de trouver un trait commun aux formes de créativité qui s’expriment dans les arts, les sciences, les techniques… Après avoir exploré la biographie de grands hommes (Einstein, Igor Stravinsky), Howard Gardner, théoricien des « intelligences multiples », en conclut qu’il existe aussi des créativités multiples (4).
Le psychologue Dean Keith Simonton, lui, a passé en revue la biographie de centaines de poètes, d’inventeurs, de mathématiciens réputés créatifs dans leur domaine. Au terme de ses recherches « d’historiométrie », il est parvenu à ce résultat : il y a certes un âge moyen de plus grande créativité, se situant à l’âge de jeune adulte (avec un pic entre 35 et 40 ans), mais ce n’est pas vrai pour toutes les disciplines : en musique, en philosophie, on peut être créatif jusqu’à un âge avancé. D.K. Simonton insiste également sur le fait que bien d’autres facteurs, autres que la personnalité ou l’âge, influent sur la créativité. Il est très difficile d’être créatif dans une période qui ne l’est pas. Inversement, il est des périodes et des contextes qui poussent à l’innovation. À la dynamique individuelle d’invention doit s’ajouter un milieu favorable où puissent s’épanouir certaines innovations.
Les psychologues sont donc parvenus à la conclusion qu’il n’existe pas une mais plusieurs formes de créativité (5), que les personnes les plus créatives sont celles qui combinent motivation, persévérance, originalité plutôt qu’un seul trait, que le poids stimulant du milieu est essentiel et, enfin, que le génie est moins extraordinaire qu’on le croit (6). Ce qui veut dire aussi qu’il y a un peu de génie en chacun de nous.
NOTES
(1) Voir Todd Lubart, Psychologie de la créativité, Armand Colin, 2003, et Todd Lubart et Chantal Pacteau, « Le développement de la créativité », Sciences Humaines, n° 164, octobre 2005.
(2) Sebastian Dieguez, Maux d’artistes. Ce que cachent les œuvres, Belin, 2010.
(3) Ronald A. Finke, Thomas B. Ward et Steven M. Smith, Creative Cognition: Theory, research, and applications, MIT Press, 1992.
(4) Howard Gardner, Les Formes de la créativité, Odile Jacob, 2001.
(5) Voir Jacques Cottraux, À chacun sa créativité. Einstein, Mozart, Picasso… et nous, Odile Jacob, 2010.
(6) Mark A. Runco, Creativity: Theories and themes: Research, development, and practice, Elsevier, Academic Press, 2007.
Et si la créativité n’était pas un signe d’originalité mais, au contraire, un acte mental très banal ? Telle est l’idée défendue aujourd’hui par des chercheurs psychologues, philosophes, spécialistes de sciences cognitives qui s’intéressent à l’esprit imaginant (1).
Au-delà de leurs différences, tous partagent une approche nouvelle de l’imagination qui repose sur quelques idées clés.
L’imagination est une caractéristique fondamentale de la cognition humaine. Elle est entendue dans un sens très large de capacité à produire des images mentales et à les associer pour former des « mondes possibles » : anticipations, fictions, mais aussi hypothèses ordinaires (ou « abductions »).
Cette imagination prend la forme d’images mentales, de nature essentiellement perceptive (visuelle, sonore, émotionnelle), organisées en schémas simplifiés (ou prototypes) et contraignants : quand on imagine des extraterrestres, ils prennent la forme de petits bonshommes verts, ou avec trois yeux et cinq bras : l’imagination ne fait qu’assembler sous une forme nouvelle des éléments connus. Au fond, l’imagination est pauvre.
La capacité créative repose, selon Max Turner, sur l’analogie qui consiste à trouver des ressemblances cachées entre des éléments apparemment disparates. La pensée analogique serait l’un des piliers de la créativité (en art et en science).
NOTE
(1) Ilona Roth, Imaginative Minds, Oxford University Press, 2007.
L'adolescence est une période particulière de la vie, souvent mouvementée et pas simple à aborder pour beaucoup de parents.
Les troubles qui caractérisent l'adolescence sont des alternances d'épisodes d'agitation, de calme, d'euphorie, de déprime. Il est difficile pour les parents de faire la part des choses, d'évaluer l'aspect anormal d'un de ces cycles et d'envisager une aide psychologique.
Souvent, au cabinet médical, on voit ou trop tard, ou trop tôt.
Alors qu'est-ce que la normalité ?
La particularité de l'humeur de l'adolescent est sa variabilité. Les épisodes durent de quelques jours à 1 ou 2 mois. Ces épisodes sont comportementaux, l'adolescent affronte ses parents le plus souvent, mais a de bonnes relations avec les adolescents de son âge et leurs parents. Il crée des liens.
Les troubles du comportement alimentaire (régime-boulimie) et les préoccupations organiques avec demande de soins chez le médecin sont plus fréquentes chez la femme que l'homme, ce qui n'empêche pas le garçon de se préoccuper de son aspect et de sa petite personne.
Devant quels signes s'inquiéter ?.
Les parents doivent donc veiller à ce que les troubles de l'humeur gardent leur variabilité et durent peu. D'autres éléments doivent alerter les parents. Ces éléments peuvent isolés ou présents à plusieurs.
Ce sont
-un repli anormal : l'enfant reste dans sa chambre, ne sort plus ou peu, communique très peu.
-des passions un peu obscures, envahissantes : Il passe des heures ou des journées à lire des livres ésotériques ou à avoir des activités stériles ayant plutôt pour caractéristique de l'isoler du reste du monde.
-une chute durable des performances scolaires.
-la dépression caractérisée par une dévalorisation, un repli, une tristesse, une absence de projection dans l'avenir, l'adolescent ne sait plus ce qu'il veut faire, il n'a pas de projet.
-des accès violents, des fugues. 1/3 des adolescents violents ont subi ou subissent des violences. Cela concerne surtout les garçons, mais pas exclusivement.
-la perte de poids et les vomissements pas toujours visibles, qui doivent faire redouter une anorexie mentale chez la jeune fille.
-les préoccupations somatiques excessives avec des consultations médicales augmentées sont un bon critère de mal être en particulier chez la jeune fille.
Quelles circonstances sont à risque ?
Il n'y a pas besoin de circonstances particulières pour qu'un enfant devienne un adolescent dépressif. Un enfant replié, anxieux, évoluera plus vers une adolescence à problème qu'un enfant extraverti, turbulent, même si le second est souvent moins bon élève.
Toutefois un certain nombre d'événements et de traumatismes peuvent amener un enfant bien dans sa tête à la dépression ou aux troubles du comportement.
Ce sont : les deuils (mal acceptés ou brutaux), les divorces (quand ils se passent mal mais aussi quand l'enfant ne l'accepte pas), les agressions physiques (coups, viols, racket), les climats de mal être familial (le chômage, la violence conjugale, la dépression parentale, l'alcool, les drogues).
Que craindre ?.
La dépression bien sûr. Une remarque toute simple, les enfants et adolescents ont une idée assez restrictive de la dépression. Ils en parlent mais en ont une représentation insuffisante voire pas de représentation (enfant). Dans ces conditions, un enfant ou un adolescent ne dira pas "je suis dépressif", sauf s'il en a un exemple proche. L'évocation de la dépression est donc avant tout une évocation parentale et du médecin. Le fait qu'un jeune patient dise "je ne suis pas dépressif" a une valeur très relative. Par contre, quand un jeune parle de suicide, il faut lui attribuer au moins la même valeur, sinon plus, que pour un adulte.
Les troubles du comportement, de type violent. Cela touche surtout les garçons.
Les troubles anorexiques. Cela touche surtout les filles.
Les usages de drogues. Les garçons consommeront surtout de l'alcool et des drogues interdites. Les filles consommeront surtout des médicaments. Mais ce n'est pas une règle absolue et les grandes dérives aboutissent à des consommations de tout par les uns et les autres.
Quelques conseils.
On trouve beaucoup de problèmes dans les familles où le dialogue manque. Ce n'est pas toujours spontané ni naturel. Il faut alors avoir recours aux centres psycho-pédagogiques dont on trouve l'adresse dans n'importe quel mairie. Ces prises en charge sont gratuites.
On trouve aussi beaucoup de problèmes dans les familles où le comportement parental ne permet pas à l'enfant d'anticiper sur les demandes et réactions des parents. Quand un parent punit un jour un enfant pour un acte donné, et rit le lendemain pour le même acte, ce n'est pas structurant pour l'enfant. Quand un parent refuse une aide à un enfant parce qu'il regarde la télévision, et lui reproche le lendemain une mauvaise note liée à ce refus d'aide, ce n'est pas structurant pour l'enfant. Ces attitudes aboutissent au fait que l'enfant ne peut prévoir ni s'expliquer les réactions parentales, ce qui est particulièrement anxiogène et aboutit à des adolescents mal structurés et fragilisés.
http://www.medecine-et-sante.com/maladiesexplications/adotroublesdepression.html
Bien qu'il n'existe pas de politique officielle quant à la place que devraient occuper les parents à l'école, Josée Bouchard soutient que l'implication des parents est toujours favorable. Est-elle toujours bienvenue? «La plupart du temps, oui, affirme-t-elle. Mais c'est vrai aussi que certains enseignants sont peu coopératifs.» Mélanie atteste: «Oui, il y a des profs qui évitent le plus possible les contacts avec les parents.» Entre autres, parce qu'ils craignent que ces derniers ne prennent trop de place et ne s'ingèrent dans leur travail. Ce qui, en retour, peut causer des frictions avec les parents qui souhaiteraient plus de transparence.
Cela dit, bon nombre d'enseignants ne sont pas réfractaires à l'implication des parents. Au contraire. Surtout si cette implication se traduit par une présence positive et un travail de collaboration. «Mon approche avec les enseignants a toujours été de dire: "Je veux aider mon enfant. Qu'est-ce que je peux faire?", explique Nadine. Les profs sont réceptifs quand on les approche avec respect, pas en leur disant quoi faire ou en les critiquant.»
Bien sûr, tous les parents veulent aider leurs enfants et contribuer à leur succès scolaire, mais les moyens d'y parvenir peuvent être bien différents. Certains ont tendance à surveiller leur progéniture de près (trop?). «Par exemple, il y a des parents qui remettent en question un devoir ou une conséquence qu'a reçue leur enfant, illustre Anne-Marie Quesnel. Or, en faisant cela, je trouve qu'on déresponsabilise l'enfant.»
Les bouleversements qu'a subis la famille ces dernières années (familles peu nombreuses, éclatées, reconstituées, monoparentales, etc.) expliquent sans doute, en partie du moins, cette volonté de défendre nos enfants, peut-être parfois plus qu'il ne serait nécessaire. Évidemment - et heureusement! -, la plupart des parents le font sans montrer les dents! «Mais à vouloir éviter à notre enfant d'affronter les petites injustices qu'il peut vivre à l'école, les conséquences de ses gestes et les difficultés qu'il peut rencontrer, on renforce son lien de dépendance envers nous et on ne favorise pas son autonomie», explique Marie-Claude Béliveau. Comme lorsqu'un parent se fait un point d'honneur de s'asseoir avec son enfant chaque soir pour faire ses devoirs avec lui. «Certains parents valorisent leurs compétences parentales en entrant dans une sorte de compétition avec les professeurs, remarque la pédopsychologue. Si notre enfant nous demande de l'aide, on peut bien sûr l'aider, mais on ne fait pas ses devoirs à sa place.» Éducateurs, accompagnateurs, les parents marchent bien souvent sur une frontière bien mince entre leur rôle et celui des professeurs. «Même si c'est plus facile à dire qu'à faire, l'idéal est de préserver une juste distance avec l'école, dit Marie-Claude Béliveau. Collaborer, oui, mais sans trop se mêler de l'aspect pédagogique.»
Le mot magique? Collaboration. «La collaboration entre parents et enseignants est essentielle, insiste Gaston Rioux. Les parents peuvent amener leurs idées, participer lors des rencontres prévues à l'agenda scolaire en posant des questions, en s'informant du projet éducatif de l'école, etc.» Cependant, il reconnaît qu'il est parfois difficile de convaincre les parents de l'importance de s'impliquer à l'école, convenant d'un même élan que, dans notre société au rythme effréné où bien souvent les deux parents travaillent, il n'est pas toujours facile de se libérer comme on le voudrait.
Il faut aussi que la direction et les enseignants soient ouverts à cette participation des parents. «Les profs doivent avoir conscience de l'importance d'impliquer les parents, que ça fait partie de leur rôle», souligne Rollande Deslandes. Un rôle déjà bien chargé, surtout que, depuis quelques années, les enseignants doivent superviser des classes nombreuses où les enfants avec diverses problématiques sont désormais accueillis.
Reste que plusieurs parents interrogés conviennent des avantages qu'il y a à s'impliquer. «Même quand ça va bien, on assiste aux rencontres avec les professeurs, raconte Brigitte. Et je me suis aussi souvent impliquée dans les sorties parascolaires. Ça aide à développer de bonnes relations avec les enseignants et à faciliter les discussions.»
Ainsi, si un problème surgit, l'idéal est de ne pas attendre et de tenter de le régler sans tarder avec l'enseignant. Poser des questions, écouter les réponses, donner respectueusement notre point de vue et chercher une solution ensemble. Il peut arriver que la présence d'une tierce personne, souvent la direction, soit utile à titre de médiateur. Dans certains cas, on doit en référer auprès de la commission scolaire ou du protecteur de l'élève, une personne indépendante affiliée à chaque commission scolaire pour traiter les plaintes.
http://www.coupdepouce.com/bien-dans-ma-tete/psychologie/la-guerre-parents-enseignants-ca-suffit/a/52442/4
Quelles sont les caractéristiques d’une bonne classe ? Quelles sont les pratiques et les attitudes qui font le mieux réussir les élèves ? En étudiant l’effet-classe et l’effet-maître, les chercheurs apportent quelques jalons sur une question toujours débattue.
La bonne classe, le bon maître, le bon professeur… À entendre les propos des élèves et des parents, qui pourrait nier qu’il existe des différences entre les enseignants, propres à plus ou moins bien faire réussir les élèves ? Il est bien normal alors que les spécialistes se soient penchés sur cette question. Un grand nombre de travaux ont porté sur l’efficacité de l’enseignement, révélant des variations importantes d’acquisitions selon la classe fréquentée. Ces travaux distinguent d’ailleurs des « effets-classe » et des « effets-maître » : tout ce qui se passe dans une classe, en effet, ne relève pas de l’enseignant. Pourtant, ils montrent aussi que l’action du maître est essentielle.
Classes efficaces, classes équitables
Chacun connaît le lien qui existe entre l’origine sociale des élèves et la réussite scolaire. L’origine sociale, mesurée par la profession des parents et leur niveau de diplôme, explique environ 15 % de la variabilité des acquis des élèves à l’école élémentaire et au collège.
Le poids de l’effet-classe est d’une ampleur à peu près similaire (1). C’est dire que, sur une année scolaire, la classe fréquentée par l’élève compte autant que la profession et le niveau de diplôme des parents. À l’évidence, il ne s’agit pas d’un poids mineur. Deux différences doivent cependant être notées. D’une part, la classe n’a qu’une durée d’une année scolaire. Tel effet-classe bénéfique une année peut être atténué, voire contrecarré, l’année suivante par la fréquentation d’une classe moins efficace. Rien de tel avec l’origine sociale, dont l’effet peut être supposé stable et cumulatif sur une durée longue. D’autre part, l’effet de l’origine sociale est un peu plus marqué pour l’apprentissage de la langue maternelle tandis que, à l’inverse, l’effet-classe est un peu plus fort pour l’apprentissage des sciences (mathématiques, physique, etc.). La raison en est que la langue maternelle se pratique dans le milieu familial tandis que les sciences sont davantage des disciplines dont l’apprentissage relève de l’école.
Mais en quoi consiste exactement l’effet-classe ? Si l’on définit l’efficacité comme la capacité à élever le niveau moyen des élèves alors, à l’évidence, les classes sont diversement efficaces. Mais les classes se révèlent aussi diversement équitables, c’est-à-dire plus ou moins égalisatrices : les écarts initiaux entre les élèves forts et les élèves faibles peuvent s’y s’accroître ou s’y réduire.
Ce caractère plus ou moins égalisateur est en partie lié aux conceptions que se font les enseignants de leur rôle et de leur métier. Certains sont portés vers un désir d’égalité, de promotion des plus faibles, tandis que d’autres sont tournés vers la sélection d’une élite. Ces différentes conceptions marquent des clivages plus marqués au fur et à mesure que l’on s’élève dans la scolarité et sont bien présentes au niveau du lycée (2).
Si les dimensions de l’efficacité et de l’équité ne se confondent pas, elles sont cependant statistiquement liées : on constate que, en moyenne, les classes efficaces sont plus fréquemment équitables. Car ce sont les élèves faibles qui sont le plus sensibles, dans leurs progrès, à la qualité de l’enseignement. Les variations des résultats des élèves forts, si elles existent bien réellement selon les classes, sont cependant moins sensibles.
Il serait cependant erroné d’attribuer l’entière responsabilité de l’efficacité et de l’équité des classes à l’enseignant. Le maître est en effet confronté à des facteurs sur lesquels il n’a pas de prise comme le niveau de départ des élèves, leur hétérogénéité, leur origine sociale, ou aussi les effectifs de la classe, le nombre d’heures allouées pour son cours, etc. Mais ces données sont loin d’épuiser l’ampleur de l’effet-classe, ce qui laisse penser que l’effet-maître en est une composante majeure. Les recherches montrent que d’une année à l’autre, il existe une corrélation entre les performances des classes enseignées par un même maître (alors que les élèves ont changé). Dans l’enseignement secondaire, où les enseignants ont plusieurs classes en charge, on relève là encore que les classes d’un même enseignant ont des performances proches. De plus, les études expérimentales qui ont introduit des modifications dans les pratiques des enseignants montrent que cela a des répercussions sur les acquisitions des élèves.
Mais comment cerner ce qui fait qu’un enseignant est plus ou moins efficace ?
Tout d’abord, il faut sortir de l’idée que cette caractéristique est attachée à la personne, que ce serait, en quelque sorte, un trait de sa personnalité. Mais il serait tout aussi vain de chercher dans une méthode spécifique la clé universelle à de meilleurs apprentissages !
Des démarches qui font la différence…
C’est dans l’interaction avec les élèves que l’expérience, le savoir-faire trouveront ou non leur potentiel ; et que certains comportements vont orienter les apprentissages des élèves et vont se révéler, in fine, plus ou moins efficaces.
L’explication des différences d’efficacité entre les enseignants est d’abord à rechercher dans les différences entre les pratiques. Prenons par exemple la manière dont est géré, selon les enseignants, le temps de la classe. Dans certaines classes élémentaires, on fait trois fois plus de mathématiques que dans d’autres classes. En français, le rapport peut être encore plus grand (3).
De même, le temps effectivement disponible pour le travail varie de manière très sensible. Dans certaines classes, le temps est optimisé : installation et mise en route rapides, peu de pertes de temps dans les changements d’activité, périodes de non-travail minimisées, etc. Ces manières bien différentes de gérer le temps scolaire ne sont pas sans lien avec les acquisitions des élèves.
Un autre exemple porte sur la démarche d’enseignement utilisée par chacun. De nombreux travaux ont montré que les élèves bénéficient d’une démarche très structurée, fortement guidée par l’enseignant, où la notion à enseigner est clairement explicitée, où l’on procède par petites étapes selon un rythme de leçon soutenu, en s’assurant à chaque nouvelle étape que les étapes précédentes sont maîtrisées, où l’on procède à des révisions régulières… Ce type de démarche n’est pas à proprement parler une « méthode ». Elle est souvent désignée sous l’appellation d’« enseignement direct » (encadré p. 40), ou « enseignement explicite ». Nombreux sont les travaux qui ont montré son efficacité dans l’enseignement des disciplines comme la lecture, les mathématiques ou les sciences, notamment pour les élèves en difficulté (4).
Une exigence forte amène un niveau plus élevé
Il a été aussi montré que les enseignants qui ont des attentes élevées vis-à-vis des acquisitions de leurs élèves obtiennent effectivement de meilleurs résultats que les autres : c’est le fameux effet Pygmalion, isolé dans les années 1960 par deux chercheurs américains (5). Mais comment cet effet d’attente se produit-il ?
D’une part, les enseignants qui ont des attentes élevées offrent un contenu plus riche, plus ambitieux aux élèves, ils s’évertuent davantage à leur faire acquérir les notions. D’autre part, les enseignants communiquent, de manière explicite ou implicite, leur degré d’attente et « persuadent » ainsi les élèves qu’ils sont capables de réussir. La psychologie sociale a bien montré le rôle bénéfique de la confiance en soi pour les élèves, qui améliore le sentiment de compétence et de contrôle sur sa propre réussite. Ces éléments sont favorables à un meilleur engagement dans les tâches scolaires, donc à de meilleurs apprentissages.
Or, tous les enseignants ne portent pas le même regard sur les élèves. Les jugements rigides ou stéréotypés sont sans doute les moins aptes à favoriser les progrès des élèves. Ces enseignants dogmatiques amplifient les différences, entre forts et faibles par exemple. Ils développent de ce fait de faibles attentes vis-à-vis de ceux qu’ils jugent faibles. Une vision rigide fait qu’ils perçoivent davantage les informations conformes à leur jugement initial, ou bien transforment les informations pour les rendre compatibles avec ce jugement. Ils s’enferrent ainsi dans une vision fixiste des élèves malgré d’éventuels signes de changements de leur part. À la longue, si les élèves ne résistent pas, ils vont finir par se voir tels qu’on les voit, se conformer à ce qui est attendu d’eux, confirmant ainsi le jugement initial (6).
À l’inverse, les enseignants efficaces font preuve d’une attitude non dogmatique, une confiance dans la capacité des élèves à progresser et aussi la croyance que les résultats ne sont pas seulement (voire pas du tout) le produit de capacités fixes, stables et générales. Cela suppose aussi une vigilance constante aux progrès réalisés par les élèves, de manière à réviser les jugements et, ainsi, ne pas enfermer les élèves dans la catégorie des bons ou des moins bons.
http://www.scienceshumaines.com/comment-favoriser-les-progres-des-eleves_fr_22079.html
Les écoles pratiquant ces pédagogies alternatives utilisent des méthodes bien à elles, aux antipodes de ce que l’on peut généralement observer dans les classes de nos enfants. Parents et enseignants se tutoient, le plus souvent… Les premiers n’hésitant pas, sur invitation des seconds, à s’engager au sein de l’établissement voire même de la classe. Première pilier : les parents ne sont pas des adversaires mais des partenaires.
On notera aussi que ces pédagogies rejettent l’enseignement magistral, jugé à la fois trop frontal et trop dirigiste. L’enfant choisit librement son emploi du temps, généralement sur base d’un contrat, et s’investit dans une activité qu’il doit mener à bien. A lui d’observer, de chercher, de tester, de noter… L’enseignant reste en retrait, disposé à fournir à l’élève les informations nécessaires. A la fin, le jeune retiendra mieux les informations qu’il aura lui-même recherchées. Deuxième pilier : favoriser l’autonomie des enfants et donner du sens aux apprentissages.
Troisième fondement : l’absence de compétition dans un enseignement qui rejette les notes et les classements. Convaincus que les points « cassent » davantage d’élèves qu’ils n’en stimulent et sont, finalement, des freins au progrès, les enseignants Freinet et leurs collègues préfèrent évaluer les élèves dans la continuité – l’erreur n’est qu’une étape de l’apprentissage – en regardant leur engagement dans le travail et leurs acquis et non-acquis. L’enfant est lui-même invité à s’auto-évaluer et à poser un regard critique sur son travail et les perspectives de remédiation qui s’offrent à lui.
Ne pas mettre de notes pourrait sembler bizarre. Mais le système s’avère payant. Selon la Communauté française, dans ces écoles « alternatives », on réussit aussi bien et souvient mieux qu’ailleurs, enquêtes et épreuves externes à l’appui. Et l’on va même plus loin, la majorité de ces établissements ont banni le redoublement, au moins jusqu’en 3e ou 4e secondaire. Le mot d’ordre est clair : chaque enfant recèle sa part de potentiel. A l’enseignant de trouver, pour chaque élève, quels que soient son niveau scolaire et ses difficultés, un terrain de réussite. Bien rares sont les enfants incapables de tout. C’est pourquoi, à l’école fondamentale Decroly, par exemple, on propose aux enfants de s’initier à un grand nombre d’activités manuelles et artistiques (cuisine, théâtre, chant, dessin…). Si l’enfant peut s’épanouir en développant quelque talent dans l’une ou l’autre discipline, c’est son travail dans toutes les autres matières qui en sera affecté, étant entendu que la confiance en soi est le moteur de la réussite et que pour progresser, l’élève doit avant tout croire en ses capacités. C’est le quatrième pilier : chaque enfant est capable et les adultes (des révélateurs de potentialité) qui l’entourent doivent l’aider à en prendre conscience.
En outre, les élèves apprennent très tôt la démocratie directe et la responsabilité. Les « conseils d’enfants » hebdomadaires, où des délégués de 3 à 12 ans peuvent discuter librement et soumettre leurs idées en vue d’améliorer le bon fonctionnement de l’école, en sont un parfait exemple. Respecter l’autre, son opinion… savoir écouter, respecter ses engagements… les élèves sont vus avant tout comme des individus et non comme des sujets à qui il convient simplement de donner un apprentissage.
On notera évidemment que les enfants ayant fréquenté ces établissements durant leurs études primaires (il existe peu d’écoles secondaires offrant ce type de pédagogie) s’en sortent généralement bien en secondaire… et après. Leur capacité d’analyse et leur autonomie se révélant des atouts précieux. La revue américain Science a publié des conclusions montrant des « avantages très significatifs » chez ces écoliers :
A 6 ans, ils sont nettement meilleurs en lecture et dans les exercices mathématiques; ceux de 12 ans affichent une plus grande créativité littéraire se servant davantage de phrases plus complexes et produisant des textes plus longs.
Enfin, cerise sur le gâteau, ces méthodes marchent également dans un milieu populaire. En 2001, en France, un établissement de la banlieue lilloise avait dû fermer ses portes en raison de ses mauvais résultats et de la violence qui y régnait. Une équipe d’enseignants, convertis à la pédagogie Freinet, réussirent cependant à redresser le navire et, six ans plus tard, aux évaluations standardisées de l’Education, l’école dépassait la moyenne du canton et même, pour certaines matières, la moyenne nationale. Les pédagogies alternatives seraient donc positives même face à un public issu de quartiers défavorisés.
Mais tous les parents peuvent-ils inscrire leurs enfants dans une école dite « active »? En théorie, oui bien sûr. Mais dans la pratique, on observe que ces établissements abritent surtout des familles de classes moyennes et supérieures à fort capital culturel. Ces parents ne sont pas tous aisés financièrement mais ont en commun de partager les mêmes valeurs par rapport à l’enseignement. Et si le coût des études n’est officiellement pas un obstacle, il s’avère tout de même dissuasif. Dans les écoles Montessori, situées dans des faubourgs assez chics, le minerval annuel par enfant varie de 4.000 à 10.000 euros. Ce sera moins cher dans une des quatre école Decroly en Communauté française où les parents seront invités à débourser quelque 800 euros par an. Sans surprise, les écoles les plus onéreuses appartiennent au réseau libre. Mais d’autres établissements relèvent soit de la Communauté française, soit des communes. Leur accès est donc plus démocratique. Mais quoiqu’il en soit, on y croise peu d’enfants issus de familles défavorisées.
Si les théories défendues par Célestin Freinet ou Ovide Decroly ont prouvé leur efficacité depuis maintenant plus de 60 ans, elles restent pourtant fort peu appliquées dans les écoles, en dehors des quelques établissements-prototypes dont nous venons de parler. Certains y voient cependant un modèle pour l’école de demain : résultats en hausse, enfants plus heureux, incivilités moins fréquentes, violence quasi-absente…
Mais si les enseignants font souvent de la pédagogique différenciée sans même le savoir, ils ont du mal à appliquer des méthodes différentes de celles qu’ils ont eux-mêmes suivies, en général avec succès. Et puis, ces pédagogies sont moins rassurantes, le prof travaille sans filet, sans rien pouvoir anticiper. Il doit bien avoir en tête tous les concepts qui doivent être abordés et s’assurer que chaque élève participe au questionnement. Cela exige une attention peu commune.
Par ailleurs, on ne propose pas assez de formations aux méthodes alternatives. Les horaires rigides, les programmes chargés et une organisation individualiste de la profession sont autant d’obstacles à la diffusion de ces nouvelles pratiques. Et il faut aussi épingler la pression des parents qui tiennent aux repères qu’offre la pédagogie traditionnelle. Un journal de classe bien rempli, un bulletin tous les deux ou trois mois avec des chiffres clairs et définitifs, des examens, des contrôles réguliers, des devoirs à domicile… Tout cela est rassurant pour ceux qui pensent encore qu’apprendre ne peut se faire que sagement assis à son banc.
http://www.enseignons.be/actualites/2010/07/26/pedagogies-actives-pourquoi-marche/
1. Par Mehdi El le 2025-04-10
Bon travail Merci
2. Par wassim le 2024-02-26
tres bien
3. Par fistone le 2023-07-09
Bon courage
4. Par mouna el achgar le 2023-07-09
je suis une enseignante de la langue française et cette année je vais enseigner pour la première fois ...
5. Par Salwa le 2023-03-18
Merci
6. Par Rbandez le 2022-11-19
Trés Bon resumé
7. Par Rbandez le 2022-11-19
Trés Bon resumé
8. Par El otmani le 2022-11-01
Bonjour Merci pour votre exemple je le trouve vraiment intéressant Auriez-vous un exemple pour une ...