La formation du cerveau est une extraordinaire histoire, avec son explosion neuronale, ses ramifications, ses spécialisations, ses morts cellulaires. Un déploiement qui exige à la fois la mobilisation des gènes, de l’environnement et de l’expérience pour s’épanouir pleinement.
La naissance de l’univers et l’émergence de la vie sont les deux quêtes les plus fondamentales de la création. Mais une troisième question d’égale d’importance consiste à se demander comment le cerveau humain et l’esprit ont été formés. Cette question est essentielle tant pour la compréhension de l’être humain que pour apporter une réponse aux deux premières questions : car c’est le cerveau qui pense et cherche à comprendre. On parle souvent du Big Bang des origines de l’univers, mais pas si souvent du Big Bang que représente la fabrication du cerveau : 100 milliards de neurones se forment et se connectent. Il y a à peu près autant de neurones dans le cerveau que d’étoiles dans la Voie lactée.
Seize jours après la fécondation, le cerveau est déjà né. Au départ, c’est une forme floue faites de cellules indifférenciées. Quatorze jours après la conception, trois couches de cellules sont déjà formées. La couche supérieure, l’épiblaste, va devenir le système nerveux et la peau. La couche inférieure, l’hypoblaste, correspondra aux organes internes, comme les intestins. Entre les deux, le mésoderme apparaît, une couche à partir de laquelle se forment les os et les muscles. L’embryon s’organise aussi selon un axe "tête-queue", le long d’une ligne primitive : la notochorde. C’est une structure cellulaire flexible, en forme de tige. La notochorde fonctionne comme un chef d’orchestre, transmettant des ordres aux cellules. C’est autour de cet axe, avec une tête et une queue, que l’organisme se structure. Ce processus, la gastrulation, peut être considéré comme l’événement le plus important de la vie. S’il n’avait pas lieu, notre organisme serait comme celui d’un ver.
Comment les cellules souches indifférenciées, aussi appelées cellules embryonnaires, se développent-elles pour se spécialiser et devenir par exemple les cellules nerveuses ? Le professeur Hans Spemann et Hilde Mangold, son étudiante de deuxième cycle, ont découvert la réponse en 1922, à Freibourg, en Allemagne. H. Spemann avait découvert le phénomène de l’induction, c’est-à-dire le fait que la différenciation cellulaire chez l’embryon dépend d’un stimulus venu des tissus voisins. Il suggéra à Hilde de tenter une transplantation d’un fragment cellulaire d’un embryon de salamandre à un autre. Après des centaines de tentatives, avec l’aide d’un scalpel à microscope, elle réussit à obtenir une salamandre à deux têtes pourvues de cerveaux complets. La seconde tête était principalement constituée de cellules du receveur et non du donneur, ce qui indiquait que la fabrication du système nerveux est liée à un facteur chimique.
Lorsque H. Mangold a soutenu sa thèse en 1923, le philosophe Edmund Husserl était dans le jury. On peut se demander s’ils ont parlé du cerveau et de l’esprit, puisque E. Husserl était un phénoménologue de la conscience. Mais un an plus tard, H. Mangold mourut tragiquement. En parfaite femme allemande, elle vouait sa vie à ses enfants et à la cuisine. Alors qu’elle était en train de réchauffer le biberon de son bébé, elle s’enflamma après avoir remis du fuel dans le four et en mourut.
H. Spemann lui, a reçu le prix Nobel de physiologie ou médecine, en 1935, principalement pour avoir découvert l’existence d’un mécanisme organisateur de l’embryogénèse – appelé plus tard « l’organisateur de Spemann ».
Pendant les dizaines d’années suivantes, beaucoup de tentatives ont été faites pour isoler ce principe d’organisation des cellules. Les résultats se sont révélés paradoxaux. L’"organisateur " de Spemann s’avérait introuvable. Les cellules nerveuses semblaient proliférer sous la commande de gènes qui fonctionnaient comme un programme informatique. Mais on a découvert ensuite la présence d’une substance qui stoppe la fabrication cérébrale : la protéine morphogénétique osseuse (BMP). Si le gène qui code cette substance n’est pas activé, un cerveau géant a tendance à se développer. La BMP limiterait ainsi la progression neuronale dans les parties latérales du cerveau, afin de favoriser le développement de la peau. D’autres substances inhibent le BMP au cœur de la plaque neurale pour mettre en place le tube neural. Ce sont la noggine et la chordine, et elles correspondent peut-être à l’organisateur de Spemann.
La protéine
Sonic Hedge Hog
La notochorde joue un rôle important dans la transformation de certaines cellules en neurones moteurs, c’est-à-dire en cellules nerveuses responsables des mouvements musculaires. C’est la protéine Sonic Hedge Hog (SHH) qui déclenche cette transformation. Elle aurait une fonction essentielle dans la plupart des processus à l’origine du cerveau.
Au cours du développement, la ligne nerveuse qu’est la notochorde deviendra le tube neural. Ce tube se refermera par le milieu, comme une fermeture Éclair. Cette étape très importante survient un mois après la fécondation. Si le tube n’est pas tout à fait fermé en haut, il y aura une anencéphalie (absence de cerveau) ou une encéphalocèle (hernie du cerveau qui se développe hors de la boîte crânienne). S’il ne se ferme pas en bas, cela causera un spina-bifida. Dans une certaine mesure, l’acide folique, que l’on recommande aux femmes avant qu’elles soient enceintes, prévient ces réactions.
200 000 nouvelles cellules nerveuses par minute
Le cerveau se forme par le gonflement de l’extrémité du tube neural. Cela s’apparente au gonflement d’un ballon ovale. Trois enflures apparaissent et forment les cavités, ou les ventricules du cerveau, remplis de liquide cérébro-spinal. Ce processus est initié par une protéine spéciale fabriquée par le gène Sonic Hedge Hog, qui est important dans la fabrication du cerveau primitif. Si l’effet de ce gène est bloqué, il n’y a pas de gonflements et le cordon nerveux restera un fil, comme chez les vers. Le nom de ce gène fait référence à un personnage de jeu vidéo. Il est également responsable de la formation des ailes chez les insectes, des jambes chez les mammifères et de la différenciation de certaines cellules nerveuses en neurones moteurs (c’est-à-dire en cellules nerveuses qui contrôlent les mouvements musculaires). Il est dit lâche, parce qu’il forme un certain nombre de connexions flottantes selon ce qui est avantageux dans un temps et un espace donnés. Les cellules nerveuses prolifèrent à une vitesse incroyable entre les troisième et cinquième mois de la vie fœtale. Chaque minute, 200 000 nouveaux neurones, issus des parois intérieures des cavités (ventricules) du cerveau, se forment, soit plus de 3 000 par seconde !
Chaque cellule-souche expulsée de la couche cellulaire se divise. Sa progéniture se spécialise en cellule nerveuse et ne peut plus redevenir indifférenciée. Parallèlement, le second rejeton de cette cellule mère restera une cellule-souche, réintégrera la couche cellulaire et pourra recommencer un nouveau cycle. Une vingtaine de cycles produiront en tout 100 milliards de cellules nerveuses. Puis ce Big Bang cérébral s’arrêtera. La neurogenèse (naissance de cellules neuronales) n’a plus lieu après la naissance, sauf dans le cervelet ou dans certaines zones du cortex très spécifiques comme celles liées à l’odorat.
Comment savons-nous tout cela ? Grâce à des recherches désormais classiques menées en Angleterre, qui ont démontré que la prolifération cellulaire plafonne entre les troisième et cinquième mois chez les fœtus avortés. De plus, on a observé que les fœtus exposés à de fortes radiations, comme après les explosions atomiques de Hiroshima et de Nagasaki, ont donné naissance à des cas de microcéphalies, ce qui n’est pas le cas s’ils ont été exposés durant une autre période. D’autres preuves ont été présentées par Pasco Rakic, un neurologue américano-croate. Ayant étudié la médecine à Belgrade, il a pu faire sa thèse sur le développement du cerveau à partir d’enquête sur les fœtus avortés – il était aisé de s’en procurer pendant l’ère communiste. Immigré ensuite aux États-Unis, il a mené des études importantes sur le développement du cerveau des singes. En leur administrant une substance radioactive qui s’incorpore dans l’ADN, il s’est rendu compte que l’essentiel du processus de division cellulaire a lieu avant la naissance.
Pourquoi conserve-t-on
sa personnalité ?
Jusqu’à récemment, il était admis par nombre de revues et d’ouvrages que tous les neurones se forment avant la naissance chez l’humain. À la différence des autres cellules qui se renouvellent en permanence, on garde tout au long de notre vie les mêmes neurones. Ce dogme a pourtant été remis en cause à partir des années 1980, quand Fernando Nottebohm, agronome originaire d’Argentine, démontre que de nouvelles cellules nerveuses pouvaient se former dans le cerveau adulte : il faut dire qu’il s’agissait du cerveau d’oiseaux des îles Canaries. Chez ces espèces, le nombre de nouvelles cellules nerveuses est lié au répertoire de chants disponibles. Ce fut une découverte révolutionnaire allant à l’encontre d’un dogme bien ancré en neurosciences, qui affirmait que tous les neurones se forment avant la naissance. La découverte de F. Nottebohm a pourtant été confirmée et étendue au cerveau humain adulte. Cette découverte a d’ailleurs servi de support à des campagnes publicitaires en faveur de nouveaux traitements des maladies de Parkinson et d’Alzheimer, qui consisteraient à stimuler la prolifération des cellules nerveuses dans les régions endommagées du cerveau.
Cela dit, même si de nouvelles cellules nerveuses peuvent émerger durant la vie adulte dans les parties basses du cerveau, presqu’aucun nouveau neurone ne se forme dans le cortex cérébral. C’est dommage, mais c’est aussi pourquoi on peut conserver de vieux souvenirs et sa personnalité jusqu’à un âge avancé.
Les cellules nerveuses migrent en direction des parties supérieures et latérales de la tête, le long des fils des cellules gliales – qui jouent le rôle de support dans le cerveau. Ces fils fonctionnent comme des cordes suspendues sur un échafaudage. Les cellules nerveuses grimpent le long de ces cordes. Au début elles forment une sous-plaque, puis elles entrent dans le cortex entre la 22e et la 24e semaine de gestation. Ce processus d’invasion et de migration cérébrale est beaucoup plus impressionnant chez le fœtus humain que chez n’importe quel autre mammifère. Cette explosion de cellules nerveuses envahissant la partie supérieure de la tête est probablement due à une mutation apparue il y a environ deux millions d’années, avec l’apparition de l’espèce humaine. Cela peut expliquer pourquoi le cortex humain est beaucoup plus étendu que celui du singe et peut faire fonctionner des mécanismes complexes comme la pensée symbolique ou le langage.
L’étape suivante de formation du cerveau consiste à créer des connexions entre cellules. Le principal embranchement de chaque cellule – l’axone – est accompagné de plusieurs petites branches, les dendrites. Au bout de ces connexions, les synapses mettent en contact les cellules nerveuses entre elles. Chaque cellule nerveuse comporte entre 1 000 et 10 000 synapses. Entre la 6e et la 8e semaine de gestation, elles commencent déjà à se former et, à partir de la 20e semaine, leur développement s’accélère. La synaptogenèse atteint son point culminant dans le cerveau humain entre la première et la troisième année de vie. Cette synaptogenèse est également impressionnante : à chaque seconde se créent plus d’un million de synapses ! Ces connexions synaptiques se produisent dans l’enfance, au moment où le cerveau fonctionne comme un aspirateur qui capte tous les nouveaux mots du langage auquel il est exposé. Les mots appris pendant l’enfance, ainsi que tous les autres souvenirs, sont conservés par le biais de liaisons synaptiques. La synaptogenèse, très intense durant toute l’enfance, diminuera ensuite pendant l’adolescence. Voilà pourquoi, après la puberté, il sera difficile d’apprendre un nouveau langage sans avoir d’accent. Mais l’on peut apprendre de nouveaux langages et beaucoup d’autres choses à l’âge adulte, puisque la synaptogenèse continue jusqu’à la vieillesse, même s’il devient beaucoup plus difficile d’apprendre au fur et à mesure que l’on avance en âge.
Apprendre, c’est éliminer
Les milliards de cellules nerveuses et leurs milliards de milliards de connexions et de synapses ressemblent, jusqu’à la fin de la vie fœtale, à une jungle. Différentes parties du cerveau sont connectées par plusieurs chemins sinueux. Des connexions se forment entre des aires cérébrales où toutes sortes de données sensorielles sont traitées : par exemple entre les aires qui traitent la vision et l’audition.
Le cerveau immature ressemble au Vieux Paris, avec un grand nombre de petites rues sinueuses et de portes. Il existe une surabondance de cellules nerveuses et de connexions. Mais heureusement des mécanismes vont venir organiser cette jungle. De la même manière qu’Eugène Haussmann a dû démolir plusieurs maisons pour construire les grands boulevards, des milliards de cellules nerveuses et leurs connexions disparaissent par apoptose (ou mort cellulaire). Cette mort cellulaire programmée est un processus important durant le développement en général : c’est un processus de destruction qui se passe par exemple quand les palmes entre les doigts et les orteils du fœtus disparaissent. Cette mort cellulaire agit sous l’action de certains gènes destructeurs qui sont activés au cours du développement.
Dans le cerveau, la centaine de milliards de cellules nerveuses diminuent presque de moitié à la naissance. Dans une certaine mesure, cette disparition est génétiquement déterminée, mais elle est également affectée par des processus liés à l’environnement. Les nerfs qui sont stimulés par les organes sensoriels par exemple grandissent mieux et développent plus de branches et de synapses. Les nerfs qui ne sont pas stimulés disparaissent.
On sait que les enfants nés avec une cataracte doivent être opérés aussi vite que possible pour ne pas devenir aveugles. Car le cerveau immature doit être stimulé par des impressions visuelles très tôt pour apprendre à voir. On parle de « période critique » ou de « fenêtre d’opportunité » pour désigner ce moment où le cerveau doit être stimulé pour favoriser à la fois la survie des connexions les plus appropriées et l’élimination de celles qui sont inutiles. En somme : « Apprendre, c’est éliminer ».
De jeunes gens impulsifs,
la faute à la myélinisation ?
Le trafic d’impulsions nerveuses est assez lent dans le cerveau du fœtus. Pour augmenter leur vitesse, la gaine nerveuse – la myéline – se met en place. On peut la comparer au matériel d’isolation électrique entourant des câbles en cuivre, à la différence que la gaine de myéline est interrompue à plusieurs endroits, ou nœuds. La myélinisation est un processus important qui commence dès la 23e semaine avec les cellules nerveuses les plus volumineuses. On dit en effet qu’elle fonctionne de manière pyramidale (du plus gros au plus fin) et se poursuit pendant toute l’enfance. Les nerfs les plus fins sont myélinisés beaucoup plus tard. Les dernières petites cellules nerveuses à être myélinisées sont ce que l’on appelle les interneurones, et sont situées dans la partie antérieure du cerveau. Ce processus survient parfois tardivement dans l’adolescence, voire à l’âge de 30 ans. Cette myélinisation tardive des nerfs se situe dans le lobe frontal, là où se produisent les processus mentaux décisionnels. Cela peut expliquer le fait que les adolescents ont parfois des difficultés à décider efficacement de l’acte à accomplir et que les jeunes gens soient plus impulsifs que leurs aînés.
L’IRM présente la myélinisation sous la forme d’une matière blanche et on peut voir que l’épaisseur de la matière blanche augmente dans le cortex pendant l’enfance et l’adolescence.
Nature ou culture ?
Non, nature et culture
Dans quelle mesure le développement du cerveau est-il déterminé par les gènes (la nature) ou l’environnement (la culture) ? Le programme de cartographie du génome humain, initié au début des années 2000, a été réalisé avec l’idée que les gènes jouaient un rôle majeur dans un certain nombre de comportements. Et qu’on pourrait bientôt trouver les gènes responsables de troubles comme le trouble déficitaire de l’attention (ADHD), l’hyperactivité, l’intelligence, la timidité, la dépression, l’alcoolisme. Pourtant, même s’il existe des gènes qui augmentent le risque de développer certains comportements, les facteurs environnementaux jouent également un rôle important. Des chiots négligés par leurs maîtres ont des difficultés quand, une fois adultes, on teste leurs aptitudes cognitives. Ces animaux sont également plus sensibles au stress. Mais on a surtout découvert récemment que le génome est lui-même altéré pendant les périodes sensibles des premiers temps du développement.
En résumé, le développement du cerveau est déterminé initialement par des gènes spécifiques qui développent le tube neural, les cellules nerveuses puis la migration cellulaire. Les embranchements nerveux et la synaptogenèse sont également génétiquement déterminés au départ. Cependant, à partir du troisième trimestre de gestation, c’est-à-dire de la troisième partie de la vie fœtale, l’activité nerveuse, elle-même liée aux stimulations internes et externes, joue un rôle plus important dans la construction des synapses et des circuits nerveux. C’est encore plus vrai après la naissance. Comme l’a remarqué Jean-Pierre Changeux, il est difficile de croire que la structure du cerveau, avec 100 milliards de cellules nerveuses, comportant chacune 1 000 à 10 000 synapses, puisse être déterminée en détail par seulement 22 000 gènes.
Ainsi il n’est plus possible de penser le développement cérébral comme un programme entièrement déterminé à l’avance par la nature, ni entièrement façonné par la culture. Il faut apprendre à penser les relations cerveau-culture en terme de coproduction.
Le célèbre journal scientifique Nature a donné une nouvelle figure de l’ADN, incluant une autre spirale représentant l’hérédité culturelle afin de mettre en évidence son importance décisive dans le développement humain.
http://www.scienceshumaines.com/la-fabrication-du-cerveau_fr_26045.html
Comment faire monter mon taux d’ocytocine ? C’est que, voyez-vous, j’ai l’impression que mon humeur pourrait bénéficier d’un petit coup de pouce, et, selon plusieurs études, augmenter la quantité d’ocytocine en circulation dans mon sang pourrait faire le travail… Intéressant ! En effet, l’ocytocine (ou oxytocine) est une hormone qui joue un rôle clé sur l’humeur, étant liée entre autres au sentiment d’attachement, mais aussi au bien-être en général. Et la bonne nouvelle, c’est qu’il existe plusieurs petits trucs pour déclencher son relâchement dans le sang !
Les effets de l’ocytocine
L’ocytocine est une hormone qui joue de multiples rôles. Elle est sécrétée par l’hypothalamus, puis stockée dans l’hypophyse, qui peut la libérer dans la circulation sanguine en cas de besoin. Lors d’un accouchement, par exemple, de l’ocytocine est relâchée pour stimuler les contractions de l’utérus. La succion du bébé sur le sein de sa mère entraînera également une libération d’ocytocine, qui provoquera à son tour l’éjection du lait.
En plus de ses effets purement physiologiques, cette hormone puissante intervient aussi de façon importante dans le développement d’une relation d’attachement, d’abord entre une mère et son enfant, mais aussi entre individus en général, qu’on soit amoureux, amis, ou parents.
Exacerbant la générosité, l’empathie et la confiance, l’ocytocine rend plus facile la création de liens durables. En plus, elle a la faculté de faire baisser le taux de cortisol (une hormone associée au stress) dans l’organisme.
Un taux élevé d’ocytocine se traduit donc généralement par un sentiment de bien-être et d’apaisement. Qui dit mieux ? En tout cas moi, ça me convainc. Ne me reste plus qu’à trouver comment faire grimper ledit taux… Ça se mange, de l’ocytocine ?
Quelques façons de faire monter son taux d’ocytocine
Quand je parle de manger de l’ocytocine, je blague bien sûr. D’abord parce que l’hormone ne survivrait pas à un passage dans notre appareil digestif, mais surtout parce que ce n’est pas nécessaire ! En effet, il existe toute sorte de moyens de faire monter naturellement son taux d’ocytocine.
Interagir avec des personnes que l’on aime ou des animaux domestiques
Une des façons les plus simples d’influencer positivement son taux d’ocytocine est d’interagir de façon positive avec des gens que nous aimons. Le simple fait de vivre ces rapprochements, ces moments chaleureux, contribue au relâchement d’ocytocine dans le sang. Les animaux domestiques peuvent aussi jouer ce rôle en nous témoignant de l’affection à grand renfort de coups de museau et de ronrons, et en se roulant d’aise sous nos caresses.
Donner un câlin, ou y penser très fort
Les contacts physiques avec des proches est une manière sûre de faire monter en flèche son taux d’ocytocine. Il ne faut jamais sous-estimer la puissance des câlins : 20 secondes de ce traitement, et voilà que l’hypophyse nous envoie une bonne dose d’ocytocine !
Faute de pouvoir poser les yeux ou les mains sur un être aimé, on peut y penser très fort avec amour : il a été démontré que cette simple visualisation fait grimper la quantité d’ocytocine en circulation dans le corps.
L’amour, toujours l’amour
On sait aussi qu’une vague d’ocytocine est relâchée dans le corps au moment de l’orgasme, tant chez la femme que chez l’homme. En fait, c’est même vrai chez certaines espèces animales : on a notamment pu montrer que ce mécanisme favorise la fidélité chez les campagnols des prairies !
Écouter de la musique apaisante
Il semble que ça puisse aussi faire l’affaire ! Selon une étude américaine que j’ai consultée, les patients se remettant d’une chirurgie cardiaque et à qui on a fait écouter de la musique apaisante pendant leur convalescence ont présenté des taux d’ocytocine beaucoup plus élevés que les autres, en plus de présenter un stress beaucoup moins important. Ça n’est finalement pas tellement étonnant, considérant tous les bienfaits qu’on attribue déjà la musicothérapie.
Attirant comme médication, n’est-ce pas ? Comme l’ocytocine a une durée de vie d’environ 10 minutes dans le sang avant d’être éliminée par les reins je ne me gênerai pas pour répéter souvent ces traitements… plutôt plaisants !
http://www.ikonet.com/fr/blogue/biologie/ocytocine-pour-avoir-meilleure-mine/
Voici comment se faire obéir avec ta méthode en 6 étapes
Etape 1 :
Il faut arrêter ce que vous faites pour aller près de votre enfant. si vous avez l’habitude de crier depuis la cuisine ou d’une pièce à l’autre que c’est l’heure de venir dîner ou faire les devoirs, vous aurez constaté que c’est facile pour nos enfants de nous ignorer quand ils ne peuvent pas nous voir. Si vous ne prenez pas vous-même votre instruction suffisamment au sérieux pour arrêter ce que vous faites et aller vers l’enfant, vous ne devez pas être surpris que votre enfant ne vous prenne pas non plus au sérieux.
L’étape 1 aide l’enfant à se concentrer sur ce qu’il est sur le point d’entendre. Lorsque vous êtes près de votre enfant, il ne peut pas ignorer votre présence et il aura tendance à vous regarder plus rapidement que si vous restez loin de lui. ce n’est pas nécessaire de l’appeler par son prénom ou de lui taper sur l’épaule pour attirer son attention, votre simple présence proche de lui le fera vous regarder.
Étape 2 :
Attendez que l’enfant arrête ce qu’il fait et vous regarde. C’est ainsi que vous captez son attention. Souvent, le parent fait l’inverse. Il dit quelque chose à l’enfant en espérant avoir son attention ou il donne directement son instruction alors que l’enfant fait autre chose et n’est sans doute pas à l’écoute. Et même s’il entend, il oublie vite, car il n a pas l’habitude de le prendre au sérieux. Vous allez voir que l’attitude de votre enfant change lorsque vous êtes prêt à rester debout et à attendre qu’il vous regarde.
Au début, votre enfant peut avoir l’air déterminé à ne pas vous regarder. Il peut faire comme s’il ne réalisait pas que vous étiez là. Si c’est le cas, pendant que vous êtes debout et attendez que votre enfant vous regarde, vous pouvez vous intéresser à ce qu’il fait. Vous pouvez faire un compliment descriptif. Cela le motivera à vous regarder à son tour et à vous écouter. Par exemple, vous pouvez dire : « Tu as I’air passionné par ton livre, tu en as déjà lu la moitié ! ». Prenez quelques instants pour trouver ce que votre enfant fait de bien ou du moins de pas trop mal.
Étape 3 :
C’est enfin l’étape 3 et le moment de donner votre instruction, clairement, simplement et une seule fois. C’est seulement à cette étape que le parent dit ce que l’enfant doit faire.
Pendant les étapes 1 et 2,le parent a le loisir de considérer s’il a le temps et l’énergie pour aller jusqu’au bout et si cela vaut la peine de donner cette instruction. Si vous vous sentez pressé ou stressé, vous pouvez toujours partir, vous n’avez, à. ce stade, encore rien demandé à votre enfant. Pendant les deux premières étapes, le parent peut aussi penser à être calme et réfléchir à la formulation de I’instruction de façon positive et polie. Vous voulez des enfants polis, vous devez montrer l’exemple.
Maintenant que vous avez donné votre instruction, ne vous répétez pas. Voici ce que les parents trouvent difficile à croire : avec ces 3 étapes, votre enfant sera coopératif 90 % du temps, même les enfants les plus rebelles ou résistants. Vous n’aurez peut-être pas besoin des étapes 4,5 et 6.
Il est possible que vous pensiez que votre enfant est différent et tellement dans l’opposition que cette technique ne marchera pas avec lui. C’est le souvenir de la réaction de votre enfant face à votre ancienne façon de faire qui vous donne cette impression.
Ce que vous allez mettre en place est radicalement différent. Et pour les rares occasions où l’enfant n’a pas obéi après l’étape3, il y a encore trois autres étapes pour éliminer toute opposition.
Étape 4 :
Demandez à l’enfant de vous dire précisément, er avec ses propres mots ce qu’il doit faire. Quand l’enfant reformule ce que vous avez demandé, vous avez la preuve indiscutable qu’il a entendu et qu’il comprend exactement ce que vous lui avez demandé. L’étape 4 est une mini-discussion préparatoire.
Quand l’enfant dit ce qu’il doit faire, il crée automatiquement une image mentale de lui en train de le faire.
Cela facilite la transition vers la nouvelle activité même s’il était résistant au départ. L’étape 4 permet d’éliminer presque toute l’opposition initiale. Quand vous utilisez cette technique, l’opposition est rare.
Étape. 5 :
Restez debout et attendez que l’enfant fasse ce que vous lui avez demandé de faire. Cela paraît impossible dans une maison où il y a toujours quelque chose à faire. Considérez le temps que vous passez à rester debout et à attendre comme un investissement. Vous imaginez que vous devrez attendre des heures jusqu’a à ce que l’enfant fasse ce que vous lui demandez parce que vous vous souvenez de toutes les fois dans le passé, où votre enfant ignorait vos instructions. Par frustration, vous avez eu recours à différentes façons de faire : répéter, insister, négocier, menacer ou même crier. C’est ce qu’on appelle la gifle verbale.
Il est peut-être difficile d’accepter que ce sont ces réactions naturelles de parents qui causent beaucoup de non-coopération chez l’enfant. Quand on reste agréable, respectueux, calme, clair et déterminé, les enfants vont naturellement chercher à nous faire plaisir la plupart du temps.
Cette cinquième étape aboutit presque toujours à la coopération de l’enfant. Et pour l’enfant qui n a toujours pas coopéré, il reste la dernière étape.
Étape 6 :
Alors que vous êtes debout et que vous attendez, faites des compliments descriptifs pour chaque petit pas dans la bonne direction et utilisez l’écoute empathique sur ce que votre enfant peut ressentir suite à ce que vous lui avez demandé de faire. Plus vous ferez de compliments descriptifs, plus il sera motivé pour faire ce que vous lui avez demandé.
Voici quelques exemples de compliments descriptifs pour des petits pas dans la bonne direction :
. « Merci de ne pas rouspéter. »
. « Tir as posé ton crayon et tu ne dessines plus. »
. « Tir t’es rapproché de la porte. »
. « Tir ne te plains pas. »
L’écoute empathique montre que l’on se soucie des sentiments de l’enfant et pas seulement de son comportement. On comprend qu’il n ait pas envie d’arrêter ce qu’il fait pour passer à autre chose.
On peut dire par exemple :
. « Tu t’amuses si bien avec ta nouvelle balançoire, tu rias pas envie d’arrêter. »
. « Je sais que ce n’est pas drôle d’avoir à tout ranger alors que tu as envie de continuer à jouer. »
Si vous associez le compliment descriptif à l’écoute empathique, ce que vous dites aura d’autant plus d’impact.
Par exemple, vous pourrez dire :
.Alors que probablement tu aimerais que je te laisse seul, tu ne rouspètes pas et tu ne rn as pas dit de sortir. »
. « Je sais que tu es très agacé que ce soit déjà l’heure d’aller au lit, mais tu ne te plains pas et tu n’es pas impoli. »
Voir la 1ère partie de l’article
Texte et dossier : Anne Peymirat
Anne Peymirat est auteur et coach parental. Elle a déjà accompagné plus de 1000 parents en 7 ans. Elle intervient aussi dans de nombreuses entreprises pour soutenir leur programme en faveur des parents salariés (BNPParibas, Cetelem, EDF, Total, Kurt Salmon,…). Elle est mère de 4 enfants âgés de 15 à 3 ans.
http://www.apprendreaapprendre.com/reussite_scolaire/parents-et-education-partie-2-les-cles-de-la-reussite/
Que se passe-t-il dans la tête d’un sourd-muet en train de se masturber ? Voilà la curieuse question que le vénérable George Steiner pose dans son essai Les Livres que je n’ai pas écrits (2008). Cette question semble revêtir pour lui une importance capitale. « Il serait extrêmement difficile d’obtenir sur ce point des informations fiables. Je n’ai connaissance d’aucune enquête systématique. Pourtant, la question est d’une importance cruciale. » Pourquoi s’intéresser à une question aussi saugrenue ? Parce que, selon l’auteur, la réponse pourrait éclairer la nature des liens entre émotions, langage et pensée. Si la pensée est le fruit du langage, qu’advient-il pour un sourd-muet qui ne possède pas de langage ?
Ici, G. Steiner commet une double erreur. La première est de considérer qu’un sourd-muet est privé de langage. Or, chacun sait que les sourds-muets utilisent un langage de signes qui n’a rien à envier en finesse, en rigueur et en richesse au langage parlé. De plus, les sourds-muets peuvent parfaitement lire, écrire ou raconter leurs expériences comme vous et moi. Ce que fit par exemple Pierre Desloges, un artisan relieur qui publia en 1779 ses Observations d’un sourd-muet. D’autres le feront après lui (A. Peletier et Y. Delaporte, Moi, Armand, né sourd et muet, 2002).
La seconde erreur est plus fondamentale. Elle porte sur les liens entre langage et pensée. G. Steiner reprend cette idée largement répandue selon laquelle la pensée et le langage sont une seule et même chose. « On s’accorde à reconnaître que les capacités du langage à faire de la réalité un objet de classification, d’abstraction, de métaphore – si tant est qu’il existe un langage “extérieur” – constituent non seulement l’essence de l’homme mais sa séparation primordiale d’avec l’animalité (à nouveau, le cas du sourd-muet incarne ce qui est peut-être une énigme essentielle). Nous parlons donc nous pensons, nous pensons donc nous parlons (…). Le “verbe” qui était au commencement (…) fut le début de l’humanité. » (ibid.)
Les premiers arguments nous viennent de l’expérience ordinaire. La thèse selon laquelle le langage produit la pensée est communément admise en philosophie et en sciences humaines. Mais c’est une idée reçue qui n’a jamais fait l’objet d’une démonstration solide, ni même d’un véritable livre ou d’une théorie de référence. On la retrouve affirmée un peu partout comme une sorte d’évidence sur laquelle il n’y a pas lieu de se pencher tant elle semble aller de soi. On la trouve répandue chez des philosophes comme Platon, Rousseau, Hegel… Or, rien n’est moins évident. On dispose même aujourd’hui de nombreux arguments pour soutenir qu’il existe une pensée sans langage. Et que le langage n’est que la traduction – souvent imparfaite – d’idées et de représentations mentales sous-jacentes qui le précèdent. Il nous arrive souvent de chercher nos mots, de vouloir exprimer une idée sans parvenir à trouver le mot juste, l’expression exacte. D’où le besoin de reformuler ses idées, et parfois, de guerre lasse, quand on sent que l’on n’a pas pu exprimer correctement sa pensée, d’avoir recours à son joker : « Tu vois ce que je veux dire ?
L’expérience du « mot sur la langue » est encore plus probante. Vous pensez à un acteur connu, vous voyez son visage, vous connaissez le titre de ses films, mais vous ne vous souvenez plus de son nom. L’idée est là. Pas le mot. La pensée est présente, le langage fait défaut. Des exemples de pensée sans langage nous sont fournis aussi par le témoignage des aphasiques. L’aphasique est un patient atteint d’une lésion cérébrale, et qui a perdu momentanément ou durablement l’usage du langage. Il existe différentes formes d’aphasie (les plus connues sont les aphasies de Broca et de Wernicke). Ce sont des détériorations profondes qui affectent la sémantique ou la grammaire, parfois les deux. Le cas des aphasiques est donc bien plus probant que celui des sourds-muets.
Or, certains aphasiques temporaires ont réussi à raconter comment ils pensaient sans langage. Comme ce médecin qui, suite à un accident cérébral, a perdu pendant plusieurs semaines l’usage des mots. Cela ne l’empêchait pas de continuer à penser, de s’interroger sur sa maladie, de faire des diagnostics, de penser à son avenir, de chercher des solutions (D. Laplane, La Pensée d’outre-mots, 1997). Les aphasiques peuvent faire des projets, construire des hypothèses, calculer, anticiper et résoudre des problèmes techniques de toutes sortes.
Si l’on y songe, une grande partie de notre vie mentale, que l’on appelle la « pensée », passe par des images mentales, pas seulement par des mots. Quand je réfléchis à quels vêtements je vais porter aujourd’hui, quand l’architecte imagine un plan de maison, quand on joue aux échecs, quand on imagine le trajet pour se rendre chez des amis…, ce sont des images et des scènes qui défilent dans la tête plutôt que des mots et des phrases, même s’il existe un « langage privé », un monologue intérieur comme dans la lecture. De même, le souvenir du passé nous revient sous forme de scènes visuelles. Lorsque le narrateur de la Recherche de Marcel Proust trempe sa madeleine dans le thé, c’est un torrent d’images et d’émotions qui le submerge tout à coup, sous l’aspect d’images mentales, de sons, d’odeurs, d’émotions positives et négatives. Les mots ne sont là que pour tenter de communiquer cette vie intérieure, ce « flot de conscience » dont parlait William James.
De nombreuses expériences psychologiques apportent du crédit à la thèse d’une « pensée en images ». Dans les années 1970-1980 eut lieu un grand débat en psychologie sur la nature des représentations mentales. Pour certains théoriciens, élèves de Noam Chomsky, le langage utilisé dans les différents pays (anglais, chinois ou finnois) repose sur un langage interne, le « mentalais », fait de représentations symboliques – abstraites et logiques – et comparable à un programme informatique. À l’aide de nombreuses expériences, le psychologue Stephen Kosslyn, tenant d’une pensée visuelle, réussit à montrer que nombre d’expériences de pensée courante reposent sur des images mentales, composées de scènes visuelles. Le débat – « The imagery debate » – tourna nettement à l’avantage de ces derniers (M. Tye, The Imagery Debate, 1991).
La linguistique dite « cognitive » va également dans ce sens. Selon ce courant de recherche, qui a pris un grand essor depuis les années 1980, le langage ordinaire repose sur des schémas cognitifs qui précèdent les mots, les règles de grammaire et lui donnent sens. Soit la phrase « Demain, je pars à Rome » plutôt que conjuguée au futur, « je partirai à Rome ». Le futur ne dépend pas ici d’une forme grammaticale puisque l’on a utilisé le présent. La représentation du futur repose avant tout sur la possibilité de s’y projeter mentalement. L’idée précède le sens. « L’idéogenèse précède la morphogenèse », disait à sa manière Gustave Guillaume, l’un des pionniers de la linguistique cognitive. Un individu qui ne pourrait pas mentalement se projeter dans l’avenir, imaginer le futur, n’aurait pas la possibilité de comprendre les règles de grammaire. Inversement, l’absence de règle de grammaire pour exprimer le futur n’empêche pas de le penser. Les aphasiques en témoignent.
Les pensées les plus abstraites elles-mêmes ne sont pas forcément tributaires du langage. Les témoignages de nombreux mathématiciens et physiciens sur l’imagination scientifique vont dans ce sens. Einstein a rapporté qu’il pensait à l’aide d’images mentales, les mathématiciens de la géométrie pensent aussi à l’aide de représentations visuelles.
Beaucoup d’indices et d’arguments nous invitent donc à reconsidérer l’idée courante selon laquelle la pensée repose sur le langage et qu’ils sont une seule et même chose. La pensée prend des formes multiples, des idées courantes (souvenirs, anticipations, imagination) aux abstractions (mathématiques, géométrie) qui n’ont pas besoin du langage pour exister. Du coup, le langage apparaît sous un nouveau jour. Il ne serait qu’un instrument plus ou moins adéquat destiné à communiquer nos pensées. Cet outil se révèle imparfait, parce que soumis à des contrainte : celles de symboles collectifs codifiés permettant de partager des mondes mentaux communs mais ne reflétant pas forcément la singularité des pensées individuelles.
La maison de mes rêves ne pourra jamais coller exactement à la maison réelle, car celle-ci doit aussi obéir aux contraintes du monde physique. De même, le langage obéit à des règles de structuration interne qui n’épousent pas entièrement les plis de ma pensée. Le langage ne servirait donc qu’à jeter des ponts entre les univers mentaux. Mais il ne permettra jamais de les rendre totalement transparents les uns aux autres. « J’éteignis la lumière, mais en moi-même les images continuèrent de briller et de fulgurer », écrit Stefan Zweig dans La Confusion des sentiments.
Selon ce philosophe américain, il est impossible de circonscrire strictement ce que désigne un mot. Quine est, du point de vue linguistique, behavioriste au sens où la signification ne se donne pour lui qu’à travers les comportements. Dans Le Mot et la Chose, il imagine une situation de « traduction radicale » où un linguiste part sur le terrain pour traduire une langue complètement inconnue. Il n’a pas de guide, pas d’interprète. Pour élaborer son manuel de traduction, il ne peut que s’appuyer sur les émissions verbales des indigènes et les circonstances observables. Imaginons que le linguiste voit un indigène s’exclamer « gavagai », au moment où un lapin détale dans la garenne à côté d’eux. D’autres situations similaires l’amèneront à traduire « gavagai » par « lapin ». Mais qui dit que l’indigène désigne par ce terme un lapin et pas par exemple une partie non détachée de lapin ou la manifestation de la « lapinité » ? Rien dans l’observation ne lui permettra de trancher. Le traducteur projette ses propres catégories, notamment celle d’objet. Il n’y a pas de fait brut permettant de lever l’incertitude. L’observation est configurée par la langue de l’observateur : elle n’est jamais pure ou brute. Mettons qu’il y ait deux « traducteurs radicaux » qui étudient indépendamment l’un de l’autre cette langue inconnue et qui aboutissent à deux manuels différents mais interchangeables. Selon Quine, ils peuvent donner tous deux de bonnes prédictions des comportements que l’on peut attendre des indigènes, tout en étant incompatibles. Il n’y a pas de fait susceptible de les départager. Il y a pour reprendre ses termes « indétermination de la traduction ».
Extrait de C. Halpern, « Quine, repenser l’empirisme », Sciences Humaines, H.S. n° 9, mai-juin 2009.
Berkeley
« Je ne sais si d’autres personnes ont cette admirable faculté d’abstraire leurs idées ; pour moi, je trouve que j’ai la faculté d’imaginer ou de me représenter les idées des choses particulières que j’ai perçues, de les séparer et de les combiner de diverses manières. » « L’origine de cette erreur… (i.e. cette conception de l’abstraction) me paraît être le langage (…) Aucun sens précis ni défini n’est attaché à un nom général qui signifie toujours indifféremment un grand nombre d’idées particulières. » (Principes de la connaissance humaine).
Condillac
« Qu’est-ce au fond que la réalité qu’une idée générale et abstraite a dans notre esprit ? Ce n’est qu’un nom ; ou si elle est quelque autre chose, elle cesse nécessairement d’être abstraite et générale. »
« Les idées abstraites ne sont donc que des dénominations. (…) et tout l’art de raisonner se réduit à l’art de bien parler. » (Logique)
Hegel
« Nous n’avons conscience de nos pensées, nous n’avons des pensées déterminées et réelles que lorsque nous leur donnons la forme objective (…) C’est le son articulé, le mot, qui seul nous offre une existence où l’externe et l’interne sont si intimement unis. Par conséquent, vouloir penser sans les mots, c’est une tentative insensée. (…) Ainsi, le mot donne à la pensée son existence la plus haute et la plus vraie. » (Philosophie de l’esprit)
Cassirer
Pour le philosophe allemand, l’homme se définit comme un esprit créateur de symboles. Le langage, explique Cassirer, dans La Philosophie des formes symboliques, t. I, La Langue (1923), donne accès au monde à travers des symboles. À la différence du cri de l’animal qui n’a qu’une signification unique, les symboles du langage sont porteurs de multiples significations.
« La “construction du concept” dans le langage, en grande partie, est moins l’œuvre de la comparaison et de l’association logique des contenus de perception que celle de l’imagination linguistique. (…) On vérifie encore une fois ici que le langage, en tant que forme d’ensemble de l’esprit, se trouve à la frontière entre mythos et logos. » (Philosophie des formes symboliques)
Bergson
« Enfin, pour tout dire, nous ne voyons pas les choses mêmes ; nous nous bornons, le plus souvent, à lire les étiquettes collées sur elles. Cette tendance s’est encore accentuée sous l’effet du langage. Car les mots désignent des genres. Le mot qui ne note de la chose que sa fonction la plus commune et son aspect banal, s’insinue entre elle et nous. » (Le Rire)
Wittgenstein
« La langue déguise la pensée. Et de telle manière que l’on ne peut, d’après la forme extérieure du vêtement, découvrir la forme de la pensée qu’il habille ; car la forme extérieure du vêtement est modelée à de tout autres fins qu’à celle de faire connaître la forme du corps. » (Tractatus)
Benveniste
« Dans le langage humain, le symbole en général ne configure pas les données de l’expérience, en ce sens qu’il n’y a pas de rapport nécessaire entre la référence objective et la forme linguistique. » (Problèmes de linguistique générale)
Chomsky
« Nous parlons comme nous voyons ; nous n’apprenons pas notre langue, elle est innée, inscrite dans notre biologie. »
« Ce qui retient davantage mon intérêt, c’est de pouvoir découvrir, à travers l’étude du langage, des principes abstraits qui gouvernent sa structure et son emploi. Ces structures sont universelles selon une necéssité biologique et pas simplement par accident historique. Elles découlent des caractéristiques fondamentales de l’espèce. » (Structures syntaxiques)
http://www.scienceshumaines.com/index.php?lg=fr&id_dossier_web=67&id_article=25273
1. Par Mehdi El le 2025-04-10
Bon travail Merci
2. Par wassim le 2024-02-26
tres bien
3. Par fistone le 2023-07-09
Bon courage
4. Par mouna el achgar le 2023-07-09
je suis une enseignante de la langue française et cette année je vais enseigner pour la première fois ...
5. Par Salwa le 2023-03-18
Merci
6. Par Rbandez le 2022-11-19
Trés Bon resumé
7. Par Rbandez le 2022-11-19
Trés Bon resumé
8. Par El otmani le 2022-11-01
Bonjour Merci pour votre exemple je le trouve vraiment intéressant Auriez-vous un exemple pour une ...